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I- René ALLIOT - de 1858 à 1882

RENÉ ALLIOT

- I -

de 1858 à 1982: Enfance et formation

René Charles Henri naît  à BOHAIN (Aisne), le 14 octobre 1858. Son père, Ernest ALLIOT, est fabriquant et négociant en tissus. La maman de René est Héloïse, appelée plus tard par ses petits enfants "Bonne Maman", comme Ernest sera "Bon Papa" (l'histoire d'Ernest et d'Héloïse fait l'objet du chapitre précédent).

Un certain 7 novembre 1858, donc, est enregistré à la paroisse l'acte de baptême de René. Il lui a été délivré bien plus tard, lorsqu'avec Marie Verstraet, ils préparaient leur mariage (pour voir le document, cliquez sur le lien, pour ouvrir la fenêtre, puis cliquez une 2e fois pour agrandir).

René Alliot vers 1864 

La Fontaine du LionA Bohain, Ernest a repris la fabrique de châles en cachemire créée par son père François avec son beau frère Henri Hennequin. L'affaire est prospère et Ernest est un homme très actif et généreux qui s'est investi très tôt dans la vie de la cité. Mais quand la vogue des châles s'éteint, avec la baisse des exportations vers l'Amérique, déchirée par la guerre de Secession, (1861-1865) puis la chute de Napoléon III et le changement de régime et de mode en France à partir de 1870, c'est sans trop de regrets qu'Ernest cède l'affaire et s'investit plus que jamais dans le développement de la ville de Bohain. Même si son nom n'est pas toujours cité dans les documents officiels, c'est sur lui que le maire de la ville s'est appuyé pour de grands chantiers d'aménagement de la ville : L'adduction de l'eau depuis la fontaine Avillée (on lit aussi à Villée) jusqu'aux fontaines de la ville (celle du Lion notamment), et l'installation d'une usine à gaz qui éclaire les rues de la municipalité. Son métier de tisseur l'a convaincu aussi de la nécessité, pour maintenir et même perfectionner l'art du tissage dans la région, d'y consacrer une formation spécifique: Il est donc l'un des promoteurs de l'Ecole de Tissage de Bohain, créée par les soins de la Société Industrielle de Saint-Quentin. Il s'occupe aussi d'une société de secours mutuel, d'une société de musique municipale, et même d'une Société de gymnastique!

L'enfance de René est marquée par la grande personnalité et le dynamisme de ses parents, mais aussi par sa proximité d'âge avec sa sœur Juliette, née un an avant lui, avec laquelle il entretiendra toute sa vie des liens d'autant plus étroits que le mari de Juliette, Eliacin ROL, pharmacien à l'origine, choisira avec lui l'aventure industrielle et sera son associé tant à Paris qu'à Bohain.

La famille ALLIOT vers 1870

 Héloïse et Ernest ALLIOT et leurs enfants: Juliette, née en 1857, et René, né en 1858.

1870. Contexte : La France entre en guerre contre la Prusse. René Alliot va avoir 12 ans. Le « Supplément du Guetteur » du 25 septembre 1870 (après ouverture de la fenêtre, cliquez une 2e fois pour agrandir) donne le ton : " Gouvernement à Préfets. Circulaire: Avant l'investissement de paris, Monsieur Jules Favre, ministre des affaires étrangères, a voulu voir Monsieur de Bismark, pour connaître les dispositions de l'ennemi : La Prusse veut continuer la guerre et réduire la France à l'état de puissance de second ordre. La Prusse veut l'Alsace et la Lorraine jusqu'à Metz, par droit de conquête. La Prusse, pour consentir à un armistice, a osé demander la reddition de Strasbourg, de Toul et du Mont-Valérien. Paris exaspéré s'ensevelirait plutôt sous ses ruines. A d'aussi insolentes prétentions en effet, on ne répond que par la lutte à outrance. La France accepte cette lutte et compte sur tous ses enfants." Tours, le 24 septembre 1870, les Membres délégués du Gouvernement ..etc.

Un UhlanRené racontait que pendant la guerre de 1870, il était alors au lycée de Saint-Quentin (il avait 12 ans), son père désirait aller le chercher et le ramener à Bohain. Il s'adressa au cafetier qui se montra d'accord pour faire le trajet avec cheval et voiture, à condition qu'on ramenât son propre fils, militaire. On cacha celui-ci dans la paille, dans le coffre. Mais au retour, ils furent arrêtés par les Uhlans, avec leurs casques à pointe. Ceux-ci fouillèrent la carriole mais ne virent pas le fils du cafetier. Tout le monde arriva sain et sauf, mais René garda le souvenir d'une grande frayeur...

Du lycée de Saint-Quentin où il est pensionnaire, René écrit de temps en temps à sa sœur Juliette. Son écriture est nette et précise, mais minuscule, et l'encre n'en rend pas la lecture plus facile (voir extrait de la lettre originale). En voici quelques « morceaux choisis »:

En juillet 1875, Juliette est à Aix en Provence. Elle lui a écrit qu'il pleuvait...... comme à Saint-Quentin! répond René. Après avoir entretenu sa sœur d'une bataille intestinale gagnée à coups de cuillerées de bismuth [bismuth par le petit Robert : Métal brillant à reflets rouges, très cassant, formant des alliages fusibles. Certains sels ou composés du bismuth sont utilisés comme médicaments], et souhaitant que Juliette lui rapporte un papillon, un « sphinx du laurier rose, pour faire pendant au sphinx tête de mort », il se livre à un exercice pédagogique très complet sur la façon d'empailler la bête : « On la pique sur le ventre, assez haut entre les pattes ; avec une pointe quelconque on prend une goutte d'ammoniaque et on vient la disposer sur les côtés de son corselet, à l'ouverture des trachées, et il est mort en un instant »..... « le plus difficile est de fixer la bête sur le dos avec des épingles de manière à ce que ses couleurs ne s'abîment pas pendant l'opération ; puis on procède au dépècement de la carcasse, avec un canif bien effilé, ou plutôt tes petits ciseaux. On lui fend la peau du ventre et on enlève tout ce qui vient.... Ce n'est pas très propre, mais il faut en passer par là. D'ailleurs ça sent délicieusement bon car l'animal ne se nourrit que du nectar des fleurs. Quand on a bien vidé la chose en question on la fourre avec de la ouate imbibée d'ammoniaque, on rapproche les bords de l'ouverture puis on repique la bête à l'endroit, on étale ses ailes et on arrange avec des épingles la queue. Le papillon empli d'ammoniaque a bien l'air d'une poule mouillée, mais en séchant cet inconvénient disparaît. Tu vois que ce n'est pas bien difficile !...»

« Aujourd'hui, dit-il plus loin, j'ai vu mon oncle Paringault. Il m'a dit que papa de Fontaine [Charles Etienne PARINGAULT, le père d'Héloïse, donc, le grand-père maternel de René  - voir chapitre consacré aux ancêtres Paringault] allait beaucoup mieux, on lui permet 4 bouillons par jour et même un biscuit. Il est probable que quand je viendrai à Fontaine le 1er août il commencera à se lever... »

Dans une lettre suivante, datée du 31 janvier 1876, René est de mauvaise humeur. Il a maintenant un peu plus de 17 ans, prépare son bac et n'a pas revu Bohain et les siens depuis 1 mois. Il écrit : « La chance ne m'est pas favorable, je ne réussis pas dans mes compositions, non plus qu'en discours latin. Je commence à me décourager alors j'ai pris la résolution de ne plus m'occuper de ces choses là, qu'elles aillent comme elles veulent, je ne m'en inquiète plus pourvu que j'arrive à bien passer l'examen du mois d'août, c'est tout ce que je demande. »

Mais surtout, René s'insurge. Il a assisté aux cérémonies commémoratives des batailles des 18 et 19 janvier 1870, et ses critiques sont vives. « ..Il y avait de la belle musique à la messe, mais je ne l'ai pas entendue.... l'oraison funèbre était très belle, mais je l'ai lue dans le journal, ainsi que le discours de Monsieur Henri Martin qui m'a beaucoup plu.... » En fait, René explique plus loin que les St Quentinois n'étaient pas admis dans la Collégiale (l'église): « C'est à peine si l'on a admis les soldats blessés à la bataille, on a bien voulu leur céder une petite place dans le chœur. » Parlant du maire : « De son point de vue sans doute, il n'y a que les gens des administrations qui sont dignes de figurer dans une belle cérémonie..... ; le moindre employé de bureau de bienfaisance ou de mairie, le palefrenier même du sous-préfet a sa carte et sa place réservée dans la collégiale et le cortège, tandis que le peuple, j'entends la population de Saint-Quentin, en est exclu ! » Pour le reste, s'il n'y avait eu les crêpes sur les drapeaux, on aurait pu croire qu'on commémorait une victoire, et René trouve cela du plus mauvais goût (l'issue de la guerre a été une défaite cuisante, la France ayant laissé à la Prusse l'Alsace et la Lorraine), de même que la médaille qui se vend à cette cérémonie.

Le 26 novembre 1876, René, qui a obtenu la première partie du baccalauréat « scindé », délivré par la faculté des lettres de DOUAI, est à LILLE où il prépare le baccalauréat de sciences complet et la seconde partie du baccalauréat scindé de lettres. Il raconte à Juliette sa dernière séance de cheval, épuisante à plusieurs titres : une heure de cheval sur une « rosse » qui ne voulait pas galoper... et « tu ne sais sans doute pas que nous avons été empoisonnés lundi dernier par des champignons. Beaucoup ont été très malades et renvoyés chez eux. Pour moi, j'en suis pour de bonnes coliques accompagnées de maux de tête, une diarrhée qui me vide encore, mais je tiens bon et je n'ai pas été à l'infirmerie. » René demande à sa sœur si elle a des nouvelles du lycée d'Amiens où - plus grave - le typhus aurait fait plusieurs victimes parmi les élèves...

Il obtient en 1877 les titres de bachelier ès-Lettres  de la Faculté de DOUAI et ès-Sciences de la Faculté des Sciences de LILLE. Ainsi était répartie dans le nord du pays la délivrance des titres de bachelier, 1er grade universaitaire comme chacun sait.

Vers la fin octobre 1878, c'est sans aucun doute avec une certaine fébrilité qu'on ouvre, dans la maison des Alliot, rue du Château, cette enveloppe à en-tête de l'L'Ecole Centrale de Paris!

La lettre de Paris

René est admis à l'Ecole Centrale!  Pendant ses études, il est domicilié à Paris, 44 rue Madame. Ses parents habitent toujours à Bohain. Il va passer trois ans à "l'Ecole", à laquelle, comme plus tard Maurice d'ailleurs, il restera attaché toute sa vie, à travers les rendez-vous des anciens élèves (il en est le président pendant des années). Sur la photo ci-dessous, prise avec la promotion 1881 (année de sortie de l'Ecole), il est assis sur le bord de la fénêtre: c'est le premier à gauche de la photo.

 René à l'Ecole Centrale

Son diplôme d'ingénieur de l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures sera signé le 20 novembre 1882, couronnant 3 années d'études. Les titres de René sont donc maintenant :

« Bachelier es-lettres et es-sciences" et "Ingénieur de l'Ecole Centrale des Arts & Manufactures, promotion 1881 ».

50 ans plus tard,

1931 : C’est aussi le cinquantième anniversaire de la promotion 1881 de l’Ecole Centrale de Paris. René a été élu par ses pairs délégué de cette promotion. On le reconnaît au 2ème rang, au dessus et lègerement à gauche, sur la photo, d'une femme, la 4ème à partir de la droite qui porte un bijou ou une fleur blanche sur la poitrine. Marie, sa femme, est presque cachée derrière une femme dont le chemisier blanc semble se prolonger par la barbe blanche du premier rang. On n'aperçoit que son visage. Thérèse et Maurice sont au fond, entre la glace et la porte de droite. Suzanne, sur le même rang qu’eux, au fond, 3ème à partir de la droite de la photo... Les années ont passé, le jeune Centralien est grand-père depuis 15 ans...

50 ans après

A peine inscrit à l’Ecole, René commence à remplir ses obligations militaires  : Jeune soldat appelé de la classe 1878, il reçoit dès lors son livret militaire tout en bénéficiant de reports pour terminer ses études avant d’être véritablement incorporé à compter du 12 novembre 1881 au 29ème régiment d’artillerie. Il sera versé "dans la disponibilité" comme sous officier de réserve à partir de novembre 1882.
Les documents militaires de René donnent ses caractéristiques physiques : Cheveux et sourcils blonds, yeux bleus, front haut, nez droit, bouche petite, menton à fossette, visage ovale, taille 1m et 65cent, dont voivi les états de service militaire, le certificat d'instruction militaire, et enfin, par information du Ministre de la Guerre en date du 30 novembre 1884, la nomination au grade de Sous Lieutenant d'Artillerie "pour être adjoint à l'état major du Général commandant l'artillerie, service du ravitaillement en munitions" .....En cas de mobilisation, M. Alliot se rendra à La Fère, où il devra être arrivé le deuxième jour de la mobilisation (...).

 "Les hommes de la disponibilité et de la réserve", précise le livret militaire, "renvoyés dans leurs foyers après le temps de service exigé par la loi, demeurent soumis à des obligations militaires déterminées auxquelles ils ne peuvent se soustraire indûment sans encourir diverses pénalités …… Ils peuvent se marier sans autorisation préalable de l’autorité militaire, mais en cas d’appel des hommes de la classe avec laquelle ils doivent marcher, il n’est tenu aucun compte de leur situation d’homme marié."
Effectivement « renvoyé dans ses foyers » après le service actif proprement dit (terminé en 1882), René va pouvoir se consacrer à sa carrière d’ingénieur, tout en effectuant les «périodes militaires » voulues par son statut d’officier de réserve. Mais il va aussi se marier et fonder avec Marie une famille...

Une période militaire à Montdidier

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