Vous êtes ici

MAURICE et SUZANNE - 1925 à 1939

MAURICE ET SUZANNE
ALLIOT

 

3ème partie: 1925 à 1939

Suzanne et Maurice passent donc leur vie entre Brunoy, Reuilly où les accueillent régulièrement René, Marie et Thérèse Alliot, et Neuvy où tous séjournent dès qu'ils le peuvent, en particulier l'été.

En 1928, la famille s'agrandit avec la naissance de Françoise, le 7 mars, pratiquement 10 ans après la venue au monde d'Henri. Puis, le 6 février 1930 vient le tour de Lucienne, et enfin, le 1er novembre 1933, celui de Bernard.

été 1928: Annie, Henri et Françoise   Les mêmes avec marie Alliot

Été 1928, à Brunoy (photo de gauche), puis Neuvy (droite)

Dans les autres familles:

Chez André et Jeanne Limasset, en 1930, Pierre a 19 ans, Simone (future Mme Eschmann), 18 (on la voit peu sur les photos de cette époque: victime d'un accident de la route en 1927, elle commence à peine à remarcher en 1930). Elisabeth a 13 ans. Beaucoup d'épreuves pour cette famille. André, sujet depuis la guerre à des crises de paludisme, meurt brusquement au soir du 7 octobre 1931. Plus tard, en août 1935, c'est Elisabeth qui disparaît, victime de la tuberculose.
Tout semble sourire à Joseph et Marcelle, à la tête d'une famille nombreuse, réputée pour sa gaîté: Madeleine (future Mme Demars) va avoir 20 ans en décembre 1930, Andrée (future Mme Brunet) en aura 18 en octobre, Françoise (future Mme Rime, puis veuve de guerre et religieuse au Bec-Hellouin) aura 16 ans en septembre. Denise (future Mme Guillaume) a 11 ans et Geneviève (future Mme Tranchant) 6 ans. Mais là aussi, un drame bouleverse la vie familiale en 1934: Drame inimaginable de nos jours. Marcelle est victime d'une septicémie, conséquence d'une simple éraflure de l'oesophage causée par un os de lapin...

C'est ainsi qu'en juin 1935, Joseph et Jeanne vont joindre leur solitude pour continuer à élever ensemble leurs enfants, sans Elisabeth, décédée 2 mois plus tard.
Chez le 3ème frère de Suzanne, Jean, marié sur le tard (46 ans) à Anne-Marie Révillon, veuve qui déjà a 3 enfants, on fête en 1931 la naissance de Jean Claude Limasset, puis puis de sa soeur Christiane (future Mme Thiollier) en 1935.

Marc le 4ème et dernier frère de Suzanne est marié depuis 1920 avec Victorine Quaglino, dite Ninette: Eux-mêmes n'ont pas d'enfants mais élèveront à Nice, où ils résident à partir de 1925, les 3 enfants d'un frère de Ninette et de sa femme, décédés accidentellement.
Geneviève et Charles Fandre, mariés depuis 1908, ont de grands enfants déjà: Guite, 21 ans ne va pas tarder à se marier avec Pierre Scneiter, courtier en vins de Champagne, François aura 19 ans en août 1930, Hubert a 17 ans, Marie-Louise, dite "Marilou" (future Mme Warnier) aura 14 ans en août, et Michel va fêter ses 12 ans en juillet.
Chez Marguerite et Arthur Klein, les deux enfants dont on fêtait le baptême juste avant la guerre, ont déjà, pour Jacques 17 ans, et pour Thérèse, 16 ans.
Yvonne, sœur cadette de Suzanne, et Jean Monet ont désormais 6 enfants: André, né en 1919, Lucien en 1920, Paul en 1921, Jacqueline (future Mme Deveaux) en 1923, René en 1926 et Marie-Thérèse (future Mme Arnion) en 1930.
Renée, la plus jeune sœur de Suzanne a épousé Pierre Monet, frère de Jean : Eux aussi ont 6 enfants: Paulette (future Mme Brassaud) est née en 1922, Jean-Claude en 1924, Jeannine (future Madame Alex Klein) en 1925, Philippe en 1926, Nicole en 1929, et enfin Guy, né en 1933.

Durant toute cette période, les familles d'André, de Joseph et de Jean Limasset sont à Paris. Celle de Geneviève et de Charles Fandre est alors revenue à ses anciennes attaches à Reims, où Charles a pris la direction du "Nouveau peignage de Reims" (il avait au début de sa carrière été Ingénieur-directeur de l'une des usines de Jules Poullot, le grand-père maternel de Geneviève). Marguerite et Arthur Klein sont toujours à Laon où Arthur a son étude d'avoué. Ils habitent rue du Cloître, près d'Angèle Limasset qui s'y éteindra à 72 ans, le 9 janvier 1934. Henri Alliot, dans une des lettres adressées à sa soeur en 2008, se souvient de ces périodes lointaines où il était en visite à Laon avec les siens: "Rue du Cloître, il y avait la maison de tante Marguerite avec le petit appartement de la vieille madame Klein, et de l'autre côté l'étude d'avoué de l'oncle Arthur. De l'autre côté du jardin, le garage où le chauffeur me laissait monter dans la vieille Ford où je jouais à conduire. Il y avait aussi la grosse Panhard pour aller loin, aux Coumats par exemple. Par la suite grand-mère Limasset a vendu la grande maison de la rue Saint-Cyr pour acheter la maison voisine de celle de tante Marguerite et s'y installer".
Quant aux deux familles Monet, l'une, celle de Jean et Yvonne, habite à Villemonble en Seine Saint-Denis, l'autre, celle de Pierre et Renée, est installée à Nevers.

 Certaines de ces familles, comme lefont Maurice et Suzanne, passent une partie de leurs vacances dans de grandes résidences secondaires : Après les décès dramatiques et prématurés d'André Limasset en 1931, puis de Marcelle sa belle-soeur, en 1934, le ménage recomposé de Joseph et Jeanne, installé à Paris rue Chanzy, acquiert une propriété au bord de l'Eure, à Saussoy. Mais on se retrouve aussi à Montignac, dans la propriété de famille des Rol (parents de Jeanne et Marcelle Limasset) ou bien sûr à Neuvy chez les Alliot, à Missy (Aisne), ou aux Coumats (Landes) qui sont les deux propriétés des Klein.

Réunion de famille à Montignac, 1929   1929_Montignac

Ci-dessus, Montignac, été 1929. Photo de gauche: Pierre Limasset (debout), Suzanne, Joseph, Jeannette Rol (épouse de René Rol), sa fille Monique, au fond, Annie, Andrée, Denise, Marcelle, Geneviève Limasset, Jacques  Rol et, de dos, Françoise Rol.
Photo de droite: Françoise Rol, Suzanne Alliot, Jean-Louis Rol, Denise, Marcelle, Geneviève Limasset, Jeannette, Jean-Louis, Jeanine Rol, Françoise Limasset, Pierre, Joseph et Andrée Limasset.

1928 aux Coumats, Annie et Thérèse KleinMarguerite et Arthur Klein se reposaient le week-end dans une petite maison située à Pierrepont, à une quinzaine de kilomètres de Laon. C'était aussi pour Arthur un rendez-vous de chasse, ce dont il raffolait.
La famille avait d'ailleurs aussi une propriété, les "Coumats", dans les landes. C'était une grande ferme : eux occupaient une petite maison basse, typique de la région, et s'y rendaient à la belle saison avec la grosse "Panhard" évoquée par Henri dans ses souvenirs. Annie aussi garde de nombreux souvenirs des Coumats.
Elle raconte notamment qu'un jour, invitée là-bas, elle dut faire, avec une des employée des Alliot, le voyage en train: "Maman ne voulait pas que je fasse le trajet en voiture, elle trouvait qu'oncle Arthur ne conduisait pas assez bien!".
D'après l'album généalogique intitulé "Charles Lucien Limasset et sa descendance" (1958), Les Klein ont acquis et restauré le château de Missy, tout proche : Est-ce la demeure ci-dessous (bien avant cette acquisition) trouvée sur le site des cartes postales anciennes (www.notrefamille.com)?

Château de Missy

Le même document précise que, tout en conservant la rue du Cloître à Laon, où Arthur continue son activité, la famille s'installe au château restauré et entouré d'une splendide propriété, en 1926. Toute la famille y sera à tout moment acceuillie. Arthur devient maire de Missy, et Marguerite s'occupe aussi bien des enfants de la commune qu'elle tient l'orgue de l'église. A noter que l'actuelle maire de Missy-lès-Pierrepont se nomme Madame Marie KLEIN ! (source: annuaire web de la mairie). Mais la famille Klein possède aussi une propriété dans les Landes, aux Coumats qui, comme Montignac sera un point de ralliement hors zone occupée au début de la guerre.

Les deux familles Monet opteront pour Saint-Brévin l'Océan, où Yvonne et Jean acquièrent une propriété, les "Bossis" et où, Renée et Pierre se sont fait construire vers 1931 une villa appelée "la Pignada" (ils reprendront ce nom pour leur villa de Jullouville les Pins, beaucoup plus tard.

 

Saint-Brévin 1933

Saint Brévin, Pâques 1933: Maurice, en costume-cravate est entouré des garçons (Henri à droite, André et Lucien Monet à gauche, fils aînés d'Yvonne). Les 3 soeurs, Suzanne, Yvonne et Renée sont là (mais de l'une d'elle, allongée, on ne voit que les pieds)

Ci-dessous, les photos ont été prises en 1934: Difficile de repérer les cousins et les cousines qui construisent le château de sable!

 

Saint-Brévin 1934    Saint-Brévin 1934 - les enfants

Pour la famille Alliot, donc, il y a Neuvy, "Bois-Réaux"! Ci-dessous en 1930, un jour de réception! On admire les deux "Delahaye", celle de René et celle de Maurice, et leur conduite à droite! Il y avait aussi les visites entre cousins et amis, entre ceux de "Bois-Réaux" et ceux des "Sainjoncs", propriété d'Henri Rogier et des siens, non loin de Neuvy: Sur la 3ème photo, nous sommes en visite aux Sainjoncs, la même année 1930.

Neuvy, été 1930     Neuvy, été 1930, départ des invités

 

Visite "aux Sainjoncs"

"Bois-Réaux"7 août 1933: parmi les personnages debout, de droite à gauche: Pierre Monet, René Allot, Marie Alliot, Suzanne, Renée Monet, Henri Alliot (arrière plan), Jeannette Rol. Assis, jacques Klein, Françoise, Lucienne Alliot, Maurice Alliot, Paulette Monet, Françoise Rol, Jeannine Rol, Jean-Claude et Philippe Monet, et, de dos, Nicole et Jeannine Monet, Monique Rol. Assise à la fenêtre de le cuisine, Anne-marie Alliot.

Neuvy, 7 août 1933

Ici, là ou ailleurs, ce sont toujours des réunions où les cousins et les cousines se retrouvent régulièrement, nombreux!

Réunion de famille vers 1932 ou 33

Photo ci-dessus, de gauche à droite, Joseph Limasset, Pierre, sa mère Jeanne Limmasset, en deuil de son mari André, Andrée, Marcelle et Françoise Limasset, (?), René Rol dominant le groupe de sa haute taille, devant lui, Denise Limasset, (?), Thérèse Klein, Anne-Marie Alliot en robe à pois foncée et col blanc, (?), Elisabeth Limasset (dite "Lisette") et Jeannette Rol.
Photo ci-dessous, prise en septembre 1935, les enfants de Renée et Pierre Monet en visite à Neuvy (ce qui était fréquent, compte-tenu de la proximité de leur résidence à Nevers). On a de gauche à droite:Bernard Alliot, Guy et Nicole Monet, Lucienne et Françoise Alliot, Philippe, Jeannine, Jean-Claude et Paulette Monet, et Anne-Marie Alliot.

Septembre 1935, à Neuvy

____________

Sans doute, hormis Neuvy, ces noms et ces lieux évoquent-ils de lointains souvenirs parmi les plus "anciens", qui pourront nous en dire plus sur les grandes réunions de famille de l'époque? La guerre à nouveau, celle de 39-45 devait en tout cas, une fois de plus, favoriser les migrations et les regroupements familiaux dans ces résidences à la campagne ou à la mer, quand il devenait trop dangereux de rester chez soi....

____________

Mais pour l'heure, retrouvons-nous à Brunoy, résidence de Maurice, Suzanne et leurs enfants. Nous sommes en 1930, aux beaux jours. Annie tient dans ses bras ses 2 petites soeurs. Puis les années passent, 1932 (2ème et 3ème photos ci-dessous), 1933 qui voit l'apparition de Bernard, puis 1935...

1930: Annie, avec Françoise et Lucienne          Françoise et Lucienne avec Céline

Brunoy, 1932         1935, Brunoy

C'est une maison splendide, toute blanche, précédée d'un beau jardin et derrière laquelle s'étend un grand potager. Devant la maison, un grand "trottoir" sert d'aire de jeux. Les photos ci-dessous donnent un aperçu de cet environnement : La 1ère a été prise en 1933, un jour où les Monet (Pierre et Renée) sont là avec leurs enfants. Ensuite, les photos datent de 1935, un jour où Joseph, veuf de sa femme Marcelle et de son frère André, vient à Brunoy avec Françoise, la 3ème de ses filles.

Visite des Monet à Brunoy       1935, Brunoy, avec Françoise Limasset 

 

Brunoy, 1934, les 5 enfants ALLIOT   1934 - grands-parents à Brunoy

Brunoy, 1935, avec Joseph Limasset et sa fille Françoise    1935, Brunoy

Brunoy en fleurs

Rien de mieux pour illustrer la vie à Brunoy, et accessoirement à Neuvy, que de laisser Lucienne en parler:

Lucienne, nounours et les chiens(1er novembre 1933) "La naissance d’un petit frère imprime la mémoire même à 3 ans et demi. Françoise et moi partagions la même chambre. Ce matin-là, papa entre par la porte du cabinet de toilette, il venait de la chambre d’Annie et nous annonce que nous avons un petit frère. Je n’étais pas préparée à cette éventualité, mais nous pouvions descendre le voir. Dans ce temps-là je ne savais pas comment arrivaient les bébés et mon 1er étonnement a été de trouver maman dans son lit. La petite commode de la chambre des parents, près de la fenêtre, avait été déplacée et le berceau alsacien était à sa place.
J’ai tout de suite adoré mon petit frère. Maman le changeait sur une planche posée sur la baignoire, elle lui mettait du talc sur le derrière ! J’ai encore un petit panier en osier, rond, avec un couvercle qui me rappelle cette époque.
Une religieuse est venue pour les premiers jours, quand elle montait l’escalier, sa grande robe faisait frou frou, c’était amusant de monter derrière elle.
Quand le bébé pleurait, j’avais trouvé bien de le bercer, mais il paraît qu’il ne fallait pas le faire parce qu’il en prendrait l’habitude et pleurerait tout le temps, (le petit filou) cela ne l’a pas empêché de se mettre à plat-ventre pendant des années pour taper sa tête afin de se bercer tout seul.

J'aimais beaucoup les choses acides, et dans le jardin il y avait des plate-bandes d’oseilles, c’était bon mais défendu. Comme Eve, j’en mangeais, quelle humiliation le jour où maman, par la fenêtre de la salle de bain, me gronda alors que Monsieur Gaillard, le jardinier était témoin.
Alors, il valait mieux se cacher. Cette fois, c’était une pomme tombée et verte (encore Eve). Sur le côté de la maison, il y avait un mur sans fenêtre…idéal pour être tranquille ! Mais voilà, Marcel Monimart était venu dîner chez nous et papa lui faisait visiter le jardin. Quand ils ont tourné juste au coin de la maison, la pomme était dans mes mains, un peu croquée … Il y avait une solution : jeter la pomme en l’air, comme prévu elle retombe un peu croquée : "oh, regarde le petit Jésus a croqué dans la pomme !"

Un beau jour d’été, nous jouions au coiffeur,  dans notre chambre quand maman a découvert Françoise, munie de ciseaux, me coupant hardiment  les cheveux. Elle a mis fin à cette dangereuse occupation, est redescendue au jardin, et qu’a-t-elle vu ? Lucienne grimpée sur le rebord de la fenêtre (au 2d étage) pour secouer les draps de sa poupée, et comme c’était dangereux, Françoise la tenait par sa robe ! Maman est remontée, quatre à quatre je suppose, et nous a mises toutes les deux au lit. Nous y avons fait un concours de rots très amusant, mais cette fois personne n’est venu nous arrêter.

Françoise et Lucienne avec CélineIl y avait derrière la maison, côté potager, juste en face de la buanderie, un puits (en fait, une citerne pas très profonde) avec une pompe. Françoise et moi faisions un concours, le but était d’enfoncer la sienne plus profondément que celle de la partenaire et j’ai gagné car je suis tombée dans l’eau, j’ai touché le fond, je n’ai absolument pas eu peur car je suis remontée et Céline qui faisait la lessive dans la buanderie a vu et a couru me rattraper.

Joseph au potagerLe pire dont je me souviens, c’est que le soir elle n’a pas voulu m’embrasser avant de me coucher. Il lui fallait digérer son émotion.
Céline avait d’ailleurs eu une autre émotion avec Françoise en maillot : Du rez-de-chaussée où elle s’était rendue (en entendant des gazouillis insolites, je suppose) elle a vu le bébé qui avait rampé on ne sait comment, passer sa tête entre les barreaux de la rampe au risque de faire un rapide plongeon. La pauvre a appelé désespérément Joseph tout en tenant son tablier des 2 mains prête à recevoir le bébé, au cas où.. Il n’y a pas eu de cas où.

Nous allions au collège d’Hulst, j’y suis rentée en 11ème (CP). Nous n’étions pas nombreux et étions autour d’une grande table. Nous avions un vestiaire pour les petits , nous y mettions tantôt les manteaux, tantôt les tabliers noirs, j’enviais beaucoup celui de mon amie Marie-Thérèse car il avait un liseré rouge le long des boutonnages.
À la même époque, je me vois sur une chaise de la cuisine en train de lacer mes guêtres qui venaient d’Henri ou Annie, il y avait je ne sais combien de crochets et quand on arrivait au dernier, malheur si les 2 côtés ne correspondaient pas.Nous portions des vêtements bien chauds que grand-mère nous avait tricotés: jupons à larges côtes, tricotés avec une laine blanche assez grosse, chandails rouges à manches courtes et petit col gondolé, jupes bleues à bretelles et gilets à manches longues  bleus et rouges . Cela semble prouver qu’à l’époque on ne chauffait pas beaucoup.

Comment se passait l’école ? pour moi, cela ressemblait beaucoup aux méthodes actuelles, sauf que la méthode globale n’avait pas encore été inventée. Pour Bernard (Delavault), c’était assez différent : le matin on chantait tous les jours les tables, les verbes ; on levait les ardoises avec les résultats de calcul mental, il fallait faire tous les soirs une frise coloriée pour séparer le travail du lendemain(ce qu’il faisait à la perfection).

En 1937 et 1938, nos parents nous envoyèrent, Françoise et moi, en vacances de Noël à Autran, dans une petite pension d’enfants. Cela me plaisait bien. On partait avec un aumônier, les parents nous conduisirent au train, à la gare de Lyon. C'était le soir, il faisait nuit : j’étais comme dans un rêve, sauf que papa est tombé en descendant du wagon, et s’est cassé le bras: voir son papa par terre c’est tout de même impressionnant, surtout s’il saigne du nez. Puis dormir dans un train ne devait pas poser de problème et voir les montagnes blanches le matin à Grenoble, prendre un car et débarquer dans la neige, c’était merveilleux, féerique.
Nous faisions du ski, j’étais meilleure que Françoise, on me le disait et sans complexes cela me plaisait. Le soir on avait des sortes de veillées, on nous faisait réciter nos poésies (ah, la petite maison aux volets verts heureusement que je la savais !) on jouait aussi à toutes sortes de jeux de société.

Ces 2 années se terminèrent moins bien que prévu, la 1ère parce que j’y déclarais la rougeole, Françoise est rentrée avec le groupe, et moi, je suis restée au lit. J’ai d’ailleurs perdu une dent de lait que j’ai mise sous mon oreiller sans rien dire à personne, malheur, elle n’a pas pondu comme ça avait fait pour une autre enfant . Une des demoiselle m’a reconduite à Paris. La 2ème année, j’ai eu une énorme ampoule au talon qui s’est infectée, fièvre et là encore je ne suis pas rentrée avec le groupe, maman a dû venir me chercher. 

Cette ampoule m’a valu d’être très vexée à mon retour : pour aller à l’école, maman me conduisait dans la poussette de Bernard qui marchait à côté!En 1936 à Brunoy, avec BambaNous avions un chien appelé Bamba, il était grand et beau à mes yeux, je l’aimais bien et lui prenait soin de moi. Papa, à la fenêtre du rez-de-chaussée voulut me prendre alors que j’étais au jardin, le chien n’a pas été d’accord, il lui a pris le bras dans sa gueule, sans serrer, mais c’est papa qui a dû céder. En 1937, nous  sommes partis à Saint-Cast, en vacances, laissant le chien aux bons soins d’un jardinier. Comme il pleurait tout le temps, des voisins, excédés, l’ont empoisonné...
En 1938, forts de cette expérience, nous avons emmené le nouveau chien, Kid, un doberman malin mais insupportable. En voiture, passant sur un pont à route et trottoir étroits, nous étions arrêtés, le chien par la vitre ouverte a donné un grand coup de langue à une dame qui passait ! A Servoz, il ne supportait pas les chats et s’était fait la réputation du « grand chien noir redoutable » Papa, le promenant en laisse se retrouva par terre, Kid poursuivant un chat. Le chat rentra précipitamment par la fenêtre de la salle à manger de ses maîtres en train de déjeuner, Kid n’hésita pas, il fit de même,  papa retrouva le chat sur l’armoire et les gens effrayés. Pour la même raison, dans la montagne, Kid coursant un chat après s’être libéré de son maître n’a pas pu s’arrêter en arrivant au dessus d’un tunnel, il a sauté, mis ses pattes collées à son ventre, il est arrivé par terre en assez bon état pour aller aboyer sur un petit chien à la porte de son jardin.
Kid savait faire comprendre, à la façon chien, quand il voulait son indépendance. Enfoncée dans un fauteuil, je jouais avec lui, je tenais son collier. Lui avait ses 2 pattes avant sur mes genoux. Il a vu un CHAT! Pour me signifier que je devais le lâcher, il a fait « rouf », la gueule grande ouverte, un croc de la partie supérieure de sa gueule me fendant légèrement le dessus du nez blessure qui s’est mise à saigner terriblement, et un croc de la partie inférieure me cassant un coin de dent. Henri qui était à côté l’a vivement éloigné, évitant le pire. Maman n’osait pas regarder les dégâts. A Servoz, la grande distraction pour les « petits » était de courir regarder le train à crémaillère du Montenvers qui passait derrière le grillage du jardin et montait vers le glacier des Bosserons, et aussi de grignoter les petites cerises anglaises.

L’année d’après, à Saint-Gervais, c’est le coucou de la salle à manger qui a fait notre ravissement. A chaque heure, une petite porte s’ouvrait, le coucou sortait et faisait « coucou » autant de fois qu’il fallait pour annoncer l’heure. Ce qui ravissait papa, ce n’était pas le coucou, mais notre empressement à venir le regarder.
Le  début de ces vacances se passaient très bien, mais c’est là que tout à coup tout a chaviré : la mobilisation et la guerre étaient déclenchées."

Voir la suite des souvenirs de Lucienne dans le chapitre consacré à la période 1939-1945 sous le lien suivant:

Témoignage de Lucienne

_____________

1935, Montrouge, 1e année d'écolePendant ce temps, Annie et Henri ont poursuivi leurs études. À partir de la seconde, celles-ci sont devenues plus sérieuses pour Annie, de "bons" professeurs sont alors envoyés du Collège d'Hulst de Paris dans l'antenne de Brunoy. Elle peut donc passer son bac de philosophie. En attendant l'âge requis pour entrer à l'école d'infirmière, elle suit des cours d'anglais à la Chambre de Commerce franco-britannique de Paris. Puis elle suit les cours de l'Ecole d'infirmières de Montrouge, en complétant cette formation par celle d'assistante sociale, proposée en un an après celle d'infirmière. Ceci se passe juste avant la déclaration de la guerre.Henri en 1939

Henri, de son côté, fait ses études à Paris. En classe de math-Elem, à Charlemagne, il a fait une mauvaise chute et s'est fracture une cervicale. Cet accident l'a obligé à renoncer à son projet d'Institut Agronomique, mais il a pu faire l'Ecole Supérieure du Bois. Son accident lui a valu d'être réformé: est-ce la raison pour laquelle en 1939 il ne reçoit pas comme les autres sa feuille de mobilisation? Situation inconfortable, qui l'oblige à suivre sa famille dans la débâcle, jusqu'à Montignac, avant de revenir à Paris à la fin de 1940, sans savoir s'il ne va pas être pris et considéré à tort comme déserteur. Là, il est chargé de recherches à l'Ecole Supérieure du Bois, avant de rejoindre, quelques années plus tard, le groupe Péchiney et ses sociétés d'applications Progil ou Xylochimie, toujours pour travailler sur les parasites et la protection du bois.

Pendant ces années, entre 1930 et 1939, la famille (les familles peut-on même dire) se déplacent beaucoup pendant les périodes de congé. Par train, ou dans les grandes voitures familiales, séjours à la montagne, hiver ou été, alternent avec les villégiatures à la mer:

1931_Villars de Lans, Maurice et Suzanne   1931 Villars de Lans