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Eté 44 - Témoignages

ÉTÉ 1944
TÉMOIGNAGES

Neuvy sous les bombes, témoignages

La presse de l'époque reflète l'ampleur du drame (agrandir les vignettes)

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La recherche de la vérité sur les raisons du bombardement

Des mauvaises langues ont fait courir une rumeur comme quoi l'usine Fougerat, qui aurait fourni du matériel pour l'équipement des V1 allemands, aurait été la cause des bombardements alliés. La plupart des articles, récits et témoignages n'apportent aucun crédit à cette attestation, et les équipements ferroviaires (la gare, le pont, les convois allemands, apparaissent très vite comme étant les cibles réelles. Mais on sait les ravages que peut faire une rumeur. 50 ans plus tard, le maire de Neuvy écrit cette préface au livre de Claude Herbiet et Marie-Noëlle Fougerat :

   Neuvy-sur-Loire - été 44 Couverture" Travaillant à Electricité de France, en 1984, mes activités professionnelles m’ont amené à choisir une nouvelle filière de production de l’électricité et j’ai fait un saut, de Chantilly avec l’ère du charbon, à Neuvy sur Loire dans l’ère du nucléaire.
    Amoureux de la nature, une première découverte des bords de Loire m’a enchanté et c’est ainsi qu’avec ma famille, nous sommes devenus des nouveaux Neuvyçois.
    Arrivé dans ce nouveau village, je suis allé voir le maire de l’époque, Serge Héliard qui m’a présenté le village et m’a évoqué son passé douloureux. Comme les gens de ma génération, ayant eu la chance de ne pas connaître la guerre, nous n’avons que la documentation et les films comme témoignages, donc peu de références réelles. La guerre, les bombardements, on en a entendu parler, mais pour tous les gens qui n’ont pas été directement concernés, il est difficile, voire impossible de s’imaginer ce que les habitants ont pu vivre.
    Dès mon arrivée, beaucoup de personnes nous ont parlé de ces événements, mais j’ai vraiment pris conscience du drame que le village avait vécu, que lorsque j’ai découvert les photos de l’époque, et j’avoue avoir été secoué par une telle violence. En regardant ces photos et en me promenant dans Neuvy, j’ai essayé de m’imaginer ce qui s’était passé. La première question qui m’est venue à l’esprit, comme à beaucoup d’autres, pourquoi ce bombardement et pourquoi un tel acharnement ?
    Lorsque l’on parle d’histoire, vous constaterez qu’il y a toujours un grand nombre de personnes qui connaissent « LA VERITE ». A ce titre, il y en avait des vérités, comme si c’étaient eux qui avaient bombardé… La pire des vérités, que j’ai entendue sur cet événement, c’était que ces bombardements avaient comme objectif la destruction de l’usine Fougerat qui fabriquait des pièces pour l’armée allemande. Je passerai sur les inepties entendues, tant elles étaient absurdes…
Sans être un stratège militaire, il y a quand même quelque chose qui m’interpellait : Si cette entreprise travaillait effectivement pour l’armée allemande, pourquoi ne pas envoyer un commando qui aurait pu détruire l’outil de production, une opération plus que facile si l’on sait qu’aucune protection particulière n’était prise au niveau de l’usine ; quelques hommes avec des moyens réduits pouvaient sans aucun risque arrêter la production et ce, sans faire payer un aussi lourd tribut à la population. Voir un village quasiment détruit, d’aussi lourds moyens déployés, des tonnes de bombes déversées, il y avait autre chose, et cette question restera de nombreuses années dans un coin de ma tête.

Puis en 1995, le destin me plaça sur le fauteuil de maire. Je me souviendrai toujours des mots de l’ancien Maire Julien Ruault, qui me tendant son écharpe tricolore me dit : « Je te laisse ma place sur le fauteuil, mais tu verras, on n’a pas le temps d’y être souvent assis ! » et il avait raison ! Ce métier de maire, au-delà de tous les ennuis qui vous tombent dessus, offre néanmoins la possibilité de découvrir énormément de choses et de rencontrer beaucoup de personnes. Concernant cette question, qui était restée dans un coin de ma tête sur la cause des bombardements, j’ai rencontré un homme, qui par le plus grand des hasards m’a éclairé. Cet homme ce fut Léon Duchemin. Un homme avec une personnalité que l’on n’oublie pas, il dégageait une espèce de force tranquille qui forçait à l’écouter. Et pour l’écouter, je l’ai écouté avec beaucoup d’intérêt, surtout lorsqu’il me parla de l’histoire de Neuvy.
Assis à la table du café avec le notaire, nous venions de signer l’acte de vente d’un terrain que la commune lui achetait, et comme il faisait partie d’une vieille famille de Neuvy, moi le Maire venu d’ailleurs, j’avais beaucoup de choses à lui demander. Forcément, à un moment, la discussion est arrivée sur les bombardements et les « Vérités » qui y étaient associées. Et là, tout d’un coup, je l’entends me dire avec cette force tranquille : « Vous savez, monsieur le Maire, n’écoutez pas les gens qui ne racontent que des bêtises sur ces bombardements : si vous voulez connaître la vérité, je peux vous mettre en rapport avec un de mes meilleurs amis. Il était pilote dans la RAF et il a directement participé aux bombardements, lui, il connaît les véritables raisons ».

Ni une ni deux, je suis allé voir Marie Noëlle Fougerat-Chevallier pour lui raconter la rencontre. Je lui ai dit : « J’ai les coordonnées de ce monsieur Champion qui était pilote lors des bombardements, je lui téléphone et nous saurons enfin pourquoi Neuvy a été détruit. ». Personne ne peut se rendre compte de ce que Marie Noëlle et sa famille ont souffert pendant ces 50 ans. 50 ans pendant lesquels des rumeurs pouvaient laisser croire que la famille Fougerat était responsable des 129 morts du village, et vous connaissez les rumeurs : Parlez, parlez, il en restera toujours quelque chose… Par le plus grand des hasards, mais est-ce qu’il y a des hasards dans la vie ? Moi, le Maire venu d’ailleurs, j’avais la possibilité d’apporter la vérité après 50 années ! J’ai donc téléphoné à ce Monsieur Champion, j’étais anxieux, était-il encore vivant ? Est-ce qu’il serait d’accord pour me donner l’information ? Est-ce que l’espoir de connaître enfin la vérité n’allait pas s’arrêter net ?
Après plusieurs sonneries, j’entends enfin sa voix ; au timbre, je reconnais la voix d’un homme d’un certain âge. S’il devait avoir une vingtaine d’années en 1944, il doit en avoir au moins 70 aujourd’hui. Je me présente, je lui parle de mon laissez-passer : Léon Duchemin son ami. Je lui parle de mes interrogations, de celles de tout un village et surtout de celles de la famille Fougerat sur les raisons de ces bombardements… Silence… J’ai été trop vite… Je me mets à sa place; vous vous rendez compte, vous êtes assis chez vous tranquillement, et un bonhomme que vous ne connaissez pas, vous réexpédie 50 ans dans le passé en évoquant des morts, des destructions, çà a de quoi vous interloquer ! Nous reprenons la discussion plus tranquillement, il m’écoute et enfin, après avoir accepté tous mes arguments, il commence à en parler. J’ai l’impression que le courant passe.
Calmement, je lui pose la question qui me brûle les lèvres : --- « Monsieur Champion, quelles étaient les raisons de ces bombardements ? Parmi les causes, j’ai souvent entendu parler d’une usine qui travaillait pour l’ennemi ?
--- « Pas du tout ! L’objectif visé était la destruction des axes de transport qu’étaient la Nationale 7 et les voies de chemin de fer, pour empêcher les forces allemandes de remonter vers le front. »
50 ans après, la vérité venait de tomber !
Fort de cette information, je lui demande de me faire un courrier me précisant les véritables objectifs de ces bombardements. Deux jours plus tard, il me téléphone en me disant :
--- « Monsieur le Maire, je suis désolé, mais je ne peux vous faire ce courrier car il y a une prescription de 60 ans sur les affaires militaires, et je ne peux vous donner l’information qu’avec l’accord des Etats-Unis. »
En effet, à l’époque, c’était l’Etat-major américain qui décidait, et il allait donc falloir écrire au ministère de la Défense des Etats-Unis pour qu’il soit autorisé à nous confirmer la vérité ! Tout de suite, j’imagine la lettre de Monsieur Champion arriver aux Etats-Unis, Dieu seul sait où, naviguer de service en service, de bureau en bureau, pour enfin atterrir au bon bureau ; puis qu’un fonctionnaire veuille bien rechercher dans les dossiers de la dernière guerre, les raisons des bombardements en 1944, d’un petit village de la Nièvre, en France ! Ce n’est pas possible, cela va demander des années, et compte tenu de l’âge de Monsieur Champion, j’ai les plus grandes craintes sur l’aboutissement de cette démarche. Je rappelle Monsieur Champion :
--- « Ecoutez Monsieur, on va laisser tomber les Etats-Unis, et on va faire autrement : S’il y a une prescription de 60 ans sur les affaires militaires et que vous ne pouvez rien me dire, rien ne vous empêche par contre, de me faire un courrier m’indiquant que les bombardements de Neuvy ne visaient pas la destruction des usines Fougerat car c’est en fait ce qui nous intéresse le plus !... Silence…
--- « C’est d’accord, je vous fais le courrier dès aujourd’hui. »
Je le remercie chaleureusement et je raccroche. La vie est vraiment bizarre… Je rencontre un jour un Léon Duchemin que je n’ai jamais vu auparavant, il m’ouvre une porte vers le passé, et grâce à lui, 50 années d’obscurité s’éclairent…
Monsieur Champion a tenu sa parole. Quelques jours après, j’ai reçu sa lettre dont vous trouverez copie dans ce livre. J’ai donné l’original à Marie Noëlle qui le méritait bien, 50 ans après c’est presqu’une résurrection qui la lave ainsi que sa famille de la méchanceté des gens…
Plusieurs fois, j’ai téléphoné à Monsieur Champion et nous avons discuté de ces événements. Je lui ai demandé pourquoi ils étaient passé trois fois ? A cela il m’a répondu que lors des missions de bombardements, ils ne déversaient jamais la totalité des bombes sur l’objectif, ils en gardaient pour les larguer au retour d’autres missions et terminer ce qui n’avait pas été totalement détruit ! Sur le pourquoi Neuvy ? L’explication pourrait être la suivante : Le but étant de détruire les moyens de liaisons : il s’avère malheureusement qu’à l’époque, il y avait un endroit où la voie de chemin de fer, passe par un pont au-dessus de la Nationale7 et qu’en frappant à cet endroit, on interdit complètement la possibilité de remonter vers le Nord, aussi bien par la route que par le rail. Je lui ai également parlé du peu de précision des frappes; il m’a expliqué de leurs difficultés d’être précis car, d’une part ils volaient à une altitude assez haute ; en 1944, la précision des appareils de visée ne permettait pas des tirs très justes : en plus au moment du largage il suffisait que l’avion soit victime d’un trou d’air, et au sol cela se traduisait par des bombes sur des centaines de mètres carrés. Et un jour, le téléphone n’a plus répondu… Je n’ai jamais rencontré ce monsieur, car il n’a pas souhaité venir à Neuvy, cela se comprend. Je ne garderai de lui que le son de sa voix, quelque part dans ma tête…

Je remercie Monsieur Léon Duchemin, car sans lui, je n’aurais pas pu vous raconter cette histoire et apporter la vérité sur ces évènements tragiques.
Je tiens à remercier Marie Noëlle pour les documents qu’elle a mis à la disposition du public en mettant sur un DVD toutes les photos de ces bombardements.
Je tiens également à remercier Claude Herbiet et les membres de l’Association « ETE 44 » grâce à qui ce livre a pu voir le jour.
Tous les témoins sont aujourd’hui âgés et dans quelques années, ils vont certainement rencontrer je ne sais où, un certain Monsieur Champion : Qu’ils ne lui en veuillent pas trop.
Jean Claude Martel
Maire de Neuvy sur Loire
20 Avril 2004."

ce document et bien d'autres sur Neuvy et les établissements Fougerat sont consultables consultable sur le site :
https://sites.google.com/site/lequaideneuvysurloire/le-quai-a-ses-differ...

Nous remercions les auteurs de ce site pour toutes les informations précieuses mises en ligne.

Extraits du livre co-écrit par Claude Herbiet et Marie-Noëlle Fougerat

En page 60 du livre dont les pages ci-dessous relatent l'histoire de Marie-Noëlle Fougerat elle-même et celle de sa famille, ainsi que des lettres échangées au cours de ces événements par sa famille (sa mère et la soeur de celle-ci notamment), figure ce souhait dont on mesure l'importance pour elle et les siens, tant ceux qui sont morts que ceux qui ont survécu et perpétué le nom (agrandir l'image) :

Souhait

récit : Extraits p 27 à 34

Neuvy-sur-Loire - été 44 extraitNeuvy-sur-Loire - été 44 suitesuite (p 30)suite (p 31)suite (p 32)suite (p 33)suite (p 34)

Sur le site déjà mentionné, accessible directement ou par le site de la mairie de Neuvy, on touve des extraits de ces courriers grâce auxquels les familles se tiennent au courant:
https://sites.google.com/site/lequaideneuvysurloire/le-quai-a-ses-differ...

Dans la lettre du 2 août, Hélène (soeur de Madeleine Fougerat) écrit que des vagues d'avions alliés passent assez souvent au-dessus de Neuvy et qu'à chaque fois ce ronronnement crée l'angoisse chez les habitants.
"Ma première lettre a été emportée par M. Digeon, la deuxième a été remise à un camionneur à l'hôtel de la Paix et celle-ci est la troisième ... Les journées continuent ici un peu semblables les unes aux autres : je monte le matin et ils descendent et le soir c'est dans l'autre sens ... Les avions passent de temps en temps et tout le monde à très peur et je comprends ça, mais je ne crois pas qu'ils reviendront ici, si ce n'est pour mitrailler des convois s'il en passe. Madeleine a retrouvé quelques vêtements à elle mais René, pas un seul. Mme Dethou sa cousine, a apporté hier un costume de son pauvre mari. Tout le monde aide tout le monde... "
"Or ce 2 août, vers 16 h 45, à nouveau ce bruit terrifiant pour ceux qui ont déjà subi un bombardement. Les avions viennent par le nord. C'est une vague de 36 B24 Libérator. De beaux engins, mais pourquoi reviennent-ils sur Neuvy ? Aux premières explosions, très peu d'habitants ont le temps de courir aux caves. Et les bombes tombent sur de nouveaux endroits de Neuvy qui n'ont pas été touchés le 17 ! Les maisons face à la rue des Vignerons sur la RN 7 (place actuelle de la mairie), le haut de la rue des  Vignerons, le château et l'usine y passent...
(plus loin)
L'usine Fougerat ! Ah ! Mais c'est bien sûr ce qui attire les Alliés... C'est une usine qui fabrique quelque chose pour les Allemands... Quoi? Un imbécile sait, lui... C'est un joint spécial en caoutchouc pour les VI et les V2 ! Ca y est, la rumeur est partie..."

Le deuxième bombardement, Madeleine va le décrire dans une lettre écrite au crayon, le lendemain à ses parents à Asnières, pour les rassurer.
"Nous avons encore une fois échappé à la mort. Hier nous étions André et moi au pied de la Grande Montagne en train de ranger chez la cousine Vassart quand nous avons entendu les avions. Nous sommes sortis et avons eu le temps de faire 50 m. le long de la route d'Annay. Nous avons entendu les bombes siffler et on s'est jetés au pied du talus. René qui venait en vélo s'est jeté près de nous ... Trois rafales c'est long. J'ai reçu une motte de terre sur la cuisse et c'est tout. En nous relevant nous avons d'abord rien vu à cause de la poussière puis, nous avons vu le château aux 3/4 écroulé (il reste l'aile à partir de la cuisine). La Grand-mère et Paul étaient à la cave avec d'autres personnes. Il est tombé une bombe à 2 m de la cave, bouchant l'entrée ; Ils sont sortis par le soupirail avec les ouvriers . Paul a dégagé Mme Prévot sa belle-mère, qui était complètement ensevelie; derrière se trouvaient M. Prévot et la femme de ménage mais comme il y a un entonnoir à la place alors... Le jardin n'est qu'une suite d'entonnoirs les uns dans les autres... Hier au soir on comptait 40 tués retrouvés et ça s'est passé à 5 h, et il manque encore beaucoup de monde. Au port les maisons Juret, Braud, Chailloux, Ovide Dethou sont détruites ainsi que le boulevard de la Mairie (comme il n'y avait plus rien) les bombes sont tombées dans les décombres ; route d'Annay, Petite Montagne et l'usine ; rue des Vignerons jusqu'au cimetière (sauf les premières maisons du bas de la rue). Dans la grande rue jusqu'à la gare c'est par groupe ; il en est tombé à Gardefort et à la Couarde ; la voie est inutilisable et l'usine aussi ... Il en est tombé aux Eves, sur la route d'Annay et jusqu'au Gué de Chariot (un homme a été tué sur cette route)…On se demande pourquoi on vit toujours ! Sur le coup, on aide, mais après... René est formidable, il travaille sans arrêt et hier il s'est acharné à chercher la femme de M. Maigne qui est sous les décombres (lui est blessé). René est rentré à minuit et est reparti ce matin de bonne heure. Il n’est plus reconnaissable, noir, maigre et les jambes enflées; il a promis à Maigne de chercher sa femme (35 ans) et il la cherche avec autant d'ardeur que quelqu'un de sa famille. Il y a encore deux ouvriers que l'on n'a pas retrouvés : Lebigue (60 ans) et Perigrosse, le chauffeur de l'usine est tué.
On vient de retrouver M. Girard, on suppose que Mme Girard et sa fille sont sous les décombres du château, on les cherche. Il est midi et il y a 43 tués.
Les gens qui ne sont pas sinistrés (ils sont rares) fichent le camp. Neuvy va devenir un désert.
On vient de retrouver la femme de ménage des Prévot mais toujours pas M. Prévot. Avec tous les disparus encore à l'heure actuelle on compte plus de 60 tués et j'en ai fait monter hier dans le camion de l'usine, de bien mal en point.
Pauvre Girard ! Tous les 7 en quinze jours. Marie Tulard a perdu son fiancé il y a 15 jours et son père cette fois ci.

Vendredi 4 août- On approche de 75 tués Avec le bombardement de l'autre jour ça fait 10% de la population. Yvonne Dethou est morte à l'hôpital ce matin, elle était venue chercher sa mère puisque le père était mort au premier coup, M. Brulé est resté enseveli 3 h mais il n'a que des courbatures. On vient de retrouver M. Prévot…
Tout le monde part, la poste va à Annay, le Docteur aussi. On ne fait pas d'enterrements mais l'Absoute à la porte du cimetière..."

Presque toutes les familles sont touchées mais une a complètement disparu au cours des deux bombardements : La famille Girard, 7 personnes : tous étaient dans des endroits différents. Des réfugiés étaient venus de Boulogne sur mer, Calais et région parisienne pour échapper à la guerre là-haut. Environ 18 sont tués à Neuvy. Ironie du sort...

Ce 2 août dans la cour du Fouillois, les enfants jouaient. Michel qui remarchait un peu, était sur un transat au soleil près de la maison et on avait agencé une planche sur un landau pour permettre à Marie Noëlle de profiter du soleil. Lorsque les enfants entendent et voient les avions, c'est la course pour rentrer en oubliant Marie Noëlle sur sa planche-poussette. C'est Monsieur Georges Ducroux qui l'aperçoit et se précipite pour la rentrer aussi. Cela s'est passé très vite. C'est le seul souvenir qu'elle garde de ce jour-là.

« Lorsque nous sommes sortis de Cosne pour aller aux Fouillois, tout le monde était gentil avec nous. Papa et Maman avaient l'air triste, ils étaient toujours partis et ne nous parlaient pas beaucoup. Lorsqu'on demandait Bernard, Dominique et Solange ou Marie Louise, tous sortaient vite de la chambre et nous avons compris comme cela qu'il ne fallait pas en parler. » Marie Noëlle raconte encore : « Un jour en me débarbouillant, Tante Hélène est partie en criant dans la pièce d'à côté et après ils sont tous venus me voir avec une drôle de tête. Mon bout de nez était tombé avec la gangrène ».

Les usines FougeratEntrée de l'usine avant l'été 1944le château avant les bombardementsle château après le 2 août

Le livre de Claude Herbiet et Marie-Noëlle Fougerat présente d'autres récits de témoins ayant vécu ces bombardements et y ayant survécu. Parmi ceux-ci, le témoignage de Gaston Gâteau : Il avait 13 ans alors. Ses parents tenaient l'Hôtel de la Paix, au bord de la nationale 7. Il était dehors quand ce lundi 17 juillet les premiers avions sont arrivés. Il se souvient de la petite Jocelyne Beaunier : (...) "On aperçut des avions mais ça tombait déjà avant de faire quoi que se soit... Mon père, Pierre Gâteau nous criait de descendre à la cave, mais ça tombait où ça voulait... Il n'y avait pas moyen de se protéger, ça tombait ... Je suis arrivé à l’hôtel, à la porte la plus proche sur le côté de la salle du café pour me mettre à l'abri dans la maison. Seulement, du fait que c'était jour de fermeture, cette porte était verrouillée. Je me suis blotti dans le renfoncement par une espèce d'instinct contre le panneau de la porte, lorsque la bombe qui tombait sur la ferme des Buisson explosa. Sous le choc du souffle brutal, la porte céda et fut projetée à l'intérieur, et moi aussi, comme un vulgaire sac de chiffons! Pierre, mon père criait : « A la cave ! A la cave, vite ! » Quand je suis descendu à la cave, le bombardement était terminé" (...)
"Quand je suis sorti le spectacle était épouvantable. Quelle horreur ! Ma voisine la plus proche, Madame Buisson (60 ans) plus connue sous le nom de «Bibitiau» était tuée. Son mari avait été projeté par le souffle, sous le hangar où il y avait de la paille. Il fut très choqué mais ne semblait pas trop touché par des éclats. Cependant il avait des blessures internes et mourut trois jours après sa femme... Partout des dégâts On se frayait un passage comme on pouvait. Le boulevard était labouré du pont à chez nous.
Je me souviens d’avoir vue la petite Jocelyne Beaunier (5 ans) qui saignait beaucoup. Elles est partie une des premières pour l’hôpital de Cosne où elle a été opérée. Elle a toujours de graves séquelles aujourd’hui. (...)
J’ai couru jusqu’à Gardefort pour avoir des nouvelles des grands-parents et pendant ce temps-là, des avions sont venus pour mitrailler les trains en gare. Lorsque je suis rentré à l’hôtel, il a fallu aider mon père et ma mère à nettoyer et secourir ceux qui avaient besoin comme beaucoup de la famille.
Je me souviens d'avoir vu l'armée allemande défiler la veille, le dimanche 16 juillet au matin. Elle marchait au pas, bien droite et fière, puissante encore. Elle venait de la gare et traversait le village... Le lendemain, elle est partie la nuit, avec ses blessés en tirant la patte... Ce devait être dur pour ces jeunes soldats, même s'ils étaient nos ennemis, cela devait les marquer quand même..."

En ce qui concerne les questions qui se sont posées sur les raisons de ces attaques ennemies, on trouve ce document de l'ambassade américaine, daté du 29 août 1946 (source https://sites.google.com/site/lequaideneuvysurloire/le-quai-a-ses-differ...)

courrier ambassade américaine 1949