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Les bombardements de 44

NEUVY ET LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Les allemands à Bois-Réaux :

Le journal tenu par René ALLIOT entre août 1939 et juillet 1941 montre que la grande demeure a du satisfaire aux demandes d'hébergement des officiers et troupes de passage pendant l'occupation. Ces allées et venues, notées dans le journal de René, sont évoquées aussi par Lucienne qui, avec Bernard, est souvent confiée à la garde de ses grands parents pendant cette période.

Le 14 juin 1940, on apprend à Neuvy que les allemands ont fait leur entrée à Paris. Dès le mardi 18 il en arrive à Neuvy, situé sur l'axe Paris-côte d'Azur et l'Itale (nationale 7) et le 21 juin, 150 hommes stationnent dans la propriété, tandis que 3 officiers demandent à installer leurs quartiers dans la maison. Les canons anti-tank occupent garages et remises. Ces premières troupes repartent début juillet, mais dès le 6, une batterie d'artillerie allemande est annoncée et les officiers qui arrivent en émissaires "demandent beaucoup de choses" note sobrement René, qui avec sa famille doit faire face à cette intrusion. Le lendemain en effet, à 6h arrive la batterie avec 3 officiers, les adjudants et sous-officiers dans la maison, 150 hommes aux communs. Ils partent 15 jours plus tard, "poliment" reconnaît René dans ses notes. Le dimanche et le lundi 28 et 29 juillet, d'autres officiers font étape. Les choses continuent ainsi pendant les mois suivants. La population de Neuvy a du mettre à la disposition des autorités toutes les armes en leur possession, carabines ou fusils de chasse et les voitures en service à partir de 1937 ont été réquisitionnées : la Simca qui sert à Bois-Réaux, plus ancienne, n'était pas concernée..
En novembre 1940 il faut abriter et loger une batterie anti-tank, 22 officiers et leurs hommes. Toutes les chambres sont prises ainsi que bureau et salon. Départ le 16.... le 21 janvier 1941, il est 22 heures quand arrivent 2 officiers allemands et 1 ordonnance, suivis deux autres officiers les jours suivants.
Le vendredi 14 février René note le départ des occupants de Bois-Réaux. Était-ce terminé? C'est en tout cas la dernière ligne de ces événements consignés au jour le jour par René. J'ai toujours entendu dire que les allemands installés dans la maison avaient été courtois.

Lucienne et surtout Bernard vont passer du temps à Neuvy pendant ces premières années de la guerre. Avec son talent de conteuse, sa drôlerie, et sa mémoire étonnante, Lucienne a raconté sur ce site quelques épisodes de cette cohabitation. Elle dit aussi des choses toutes simples sur la vie à Bois-Réaux quand on est un enfant que la guerre éloigne des siens. Son récit figure, dans le chapitre consacré à la famille pendant la guerre de 1939-1945, sous la rubrique "témoignage de Lucienne"

Le Neuvy d'avant et du début de la guerre :

Jacques RigaudBien qu'il n'ait aucun lien avec notre famille, Jacques Rigaud (ci-contre avec jacques Chancel), qui fut un personnage public doublé d'un écrivain, est un porte parole de ce que fut Neuvy au début de la guerre. L'extrait qui suit, que maman (Anne-Marie) avait recopié de son livre "Au bénéfice de l’Age" (Grasset, 1997)  - et que l'on retrouve sur internet : voir lien ci-dessous - témoigne de son attachement à ce village où il passait ses vacances et où sa famille le mit en sûreté en 1940.

Jacques Rigaud, ex-PDG de RTL, né à Paris, le 2 février 1932, décédé le 7 décembre 2012, à Paris : renseignements et extraits publiés sur le site: https://sites.google.com/site/lequaideneuvysurloire/neuvy-sur-loire/les-...
Diplômé de l'ENA et de l’Ecole Polytechnique, Jacques Rigaud a été enseignant à Sciences Po (1958-85), auditeur auprès du conseil d’Etat, chef de cabinet des ministres de l’Agriculture (1969-70) et de la Culture (1971-73), sous-directeur général du l’Unesco (1975-78), chargé de mission au ministère des Affaires étrangères (1978-79), PDG de la radio RTL (1980-2000) auquel a succédé Philippe Labro. Il a supervisé la construction du musée d’Orsay et créé le pôle musique-cinéma de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon. Il était membre du Conseil d’Etat et écrivain.
"C’était un type bien et un grand ami », disait de lui Marie-Noëlle Fougerat-Chevallier, elle-même co-auteur d'un livre témoignage sur le tribut que Neuvy paiera à la guerre pendant l'été 44. « A chaque fois qu’il en avait l’occasion devant les médias, il citait Neuvy".  (...).
Remarque: maman (Anne-Marie) n'appartenait pas à l'ère internet mais elle avait eu le livre en main et avait recopié l'essentiel de l'extrait ci-dessous.

Extrait :
« A six lieues de là, Neuvy : un autre monde ; mes cousins germains, ma tante Geneviève et sa mère Adrienne, toutes deux chronique vivante et malicieuse d’un village riant, remuant, moderne pour tout dire, avec la nationale 7, la gare, la Loire – la Louére comme disaient nos camarades du cru. Je ne sais si notre entourage était réellement pittoresque ou si la gouaille de mes tantes suffisait à conférer du relief à de pâles personnages affublés de surnom sans pitié ; mais il suffit que je pense à Neuvy pour évoquer « l’accorte bouchère » toute rose dans son tablier blanc (Mme Coutre), « Régis Cul-de-Pot » (Régis Jacq) ivrogne notoire, « la Canard » fermière claudicante, « Pétonne » le cordonnier (Chollet) aux entrailles volcaniques, Mme Baudin la plus mauvaise langue du Bourg, au visage parcheminé de sorcière ou la silhouette vive et menue de Marie Tulard que j’évoque parfois avec son neveu Jean, l’historien. C’est sûrement à cette école que je dois un goût pervers pour les sobriquets, les portraits-charges et d’une façon générale tout ce qui souligne les ridicules de mon prochain.

  Par contraste avec Treigny, Neuvy était la vie même : une famille volubile et enjouée, toujours en mouvement ; un village ouvert et sans façon où, à chaque génération, on frayait indifféremment avec les humbles comme avec les nantis. Il y avait là, dominant tout de sa haute taille, un curé de belle prestance, l’Abbé Chatillon, flanqué de son inséparable gouvernante (Jeanne Digeon), issue d’une des meilleures familles de l’endroit ; le bureau-salon du presbytère, avec ses livres, ses gravures, quelques meubles cossus, fut pour moi la révélation du confort et du goût, dont les demeures familiales, à commencer par la maison de mes tantes, ne m’avaient jamais laissé soupçonner l’existence. Encore maintenant, mes cousins s’accommodent de l’indescriptible bric-à-brac d’une maison sans grâce et d’une parfaite incommodité mais dont le charme continue à opérer sur tous ses hôtes.
  L’essentiel de ma connaissance de la nature, je le dois à cette campagne nivernaise : la Loire dont on nous apprenait à nous méfier, avec ses courants sournois et ses sables mouvants, les fermes où nous allions nous ravitailler pendant les années de guerres, les ruisseaux que l’on passait à gué, les bois où nous aimions feindre de nous perdre, le jardin familial où perçait la blanche asperge et où chacun de nous s’appliquait à cultiver son carré de persil et de haricots, la vigne sans vignoble sur un modeste coteau appelé « la Montagne », où l’air était réputé plus pur et où nous faisions cuire des pommes acides sous des feux de branches en contemplant, de l’autre côté du fleuve, l’inaccessible Berry, plus mythique pour nous que la Patagonie et où il nous arrivait de nous aventurer quand un passeur consentait à nous y transporter dans sa barque plate qui rusait avec le courant ; nous restions sur la rive sableuse, comme effrayé de notre audace, presque convaincus que des peuplades hostiles nous surveillaient, prêtes à bondir, sagaies à la main ; nous mangions en silence notre pique-nique avant de guetter, une vague angoisse au cœur, le retour du passeur. Tout ce paysage a été dénaturé par une centrale nucléaire bâtie précisément là. J’ai pris, il y a quelque temps, le pont qui désormais franchit la Loire et je me suis presque senti coupable de rouler dans ce paysage qui, dans ma mémoire, devrait rester inviolé. Mes cousins se sont résignés à cette métamorphose ; le moyen, pour eux, de faire autrement, sauf à décamper ? Pour moi, ces transformations n’ont pas eu lieu, dussé-je être le seul à conserver dans mon souvenir le paysage d’antan où j’ai joué enfant et où, adolescent, j’aimais lire, rêver, faire des projets.
  Si mes souvenirs de Treigny me paraissent hors du temps, ceux de Neuvy s’inscrivent bel et bien dans l’histoire. C’est là qu’avec mes cousins j’ai passé l’année de la guerre, allant à l’école communale où nous fûmes accueillis par les quolibets des gosses du village « parisiens-têtes-de-chien, parigots-têtes-de-veau ». En juin 40, nous vîmes défiler la moitié de la France, et toute la Belgique, sur la nationale 7, chemin de l’exode. Neuvy était le premier bourg qui ne fût pas déserté. Embrigadés par le curé (Chatillon) et le maire (Ursin André), notables conscients de leurs devoirs et solides à leur poste, tous cousins, amis, nous mîmes au service des réfugiés. Je garde le souvenir de mitraillages en piqué d’avions italiens, de dépôts d’essence brûlant à l’horizon et dont l’âcre fumée venait jusqu’à nous, du cri de ma grand-mère à sa belle-sœur « Adrienne, Adrienne, l’armée en déroute ! », des trains de blessés à qui nous donnions à boire. Je me souviens aussi de l’arrivée des premiers détachements allemands, qualifiés de « corrects » par la lâche stupeur d’un pays rendu de fatigue et de honte. « Haus bewohnt », inscrivaient-ils à la craie, minutieusement, sur les maisons habitées, dont la nôtre. Dans une tête de huit ans, la guerre et la défaite tout à la fois marquent profondément et sont vécues avec légèreté, comme des épisodes pittoresques. Je n’ai pas le souvenir d’avoir eu peur dans cette guerre sans combats ; sous la mitraille italienne, je me rappelle même m’être employé à rassurer des enfants échoués là et qui, eux, avaient sans doute essuyé d’autres tirs plus redoutables. Ma seule angoisse venait d’être sans nouvelles de mes parents, partis de leur côté et qui ne s’arrêtèrent qu’à Perpignan, après une équipée que je crois avoir vécue, étape par étape, tant ma mère me l’aura racontée pendant plus de vingt ans. Je me suis vu orphelin jusqu’à l’arrivée, en juillet, d’une de ces cartes lettres autorisées par l’occupant où l’on cochait des phrases toutes faites. J’accueillis l’heureuse nouvelle avec soulagement, mais aussi avec la placidité des innocents qui croient que rien de grave ne peut leur advenir.
  Par la suite, pendant toutes les années de la guerre, Neuvy fut le lieu unique de nos vacances. On y allait et on en revenait par des trains bondés. Nous rapportions, plus ou moins en fraude, des victuailles (poulets, œufs, beurre, blanche farine et jusqu’à des pommes de terre) qui pesaient lourd dans les valises. Par rapport au Paris occupé, où la présence allemande était obsédante, Neuvy était un havre.
Il le fut jusqu’à un bombardement américain inexplicable qui, au printemps de 1944, détruisit la moitié du bourg,
laissant pour longtemps, avec les deuils et les maisons éventrées, la trace de l’histoire dans ce village (...).

Neuvy sous les bombes
17 Juillet, 2 et 7 août 1944

Le 29 juillet 1944 on célébrait à Brunoy le mariage de Pierre et Anne-Marie. Cette fête, organisée en pleine pénurie, et alors que la ligne de train entre Paris et Brunoy avait été endommagée le matin même, fait alors oublier un peu la guerre et, tout récemment, le choc qu'a été la nouvelle du bombardement désastreux qui a eu lieu quelques jours auparavant à Neuvy, le 17, alors que rien ne pouvait laisser supposer une attaque de cette ampleur à cet endroit. Elle ne devait pas être la dernière, deux autres bombardements intensifs l'ont suivie les 2 et 7 août. Pourquoi ce petit bourg tranquille du bord de Loire? Les témoignages recueillis, qui ont fait l'objet d'articles et d'un livre, écrit plus tard par celle qui était alors une petite fille ensevelie sous sa maison, Marie-Noëlle Fougerat, montrent à quel point personne avant ce déluge ne pouvait ni s'imaginer qu'il puisse le concerner ni s'y être préparé.
Neuvy-sur-Loire connaît en effet de terribles moments. Contre toute éventualité, la petite ville a été violemment bombardée ! Au cours de cette offensive, Jocelyne, la fille de Marcel et de Denise Beaunier, reçoit un éclat d’obus dans la tête. Elle a 5 ans (évoquée dans l'un des témoignages dont nous publions plus loin un extrait) . Elle sera sauvée mais subira progressivement une paralysie qui peu à peu la clouera dans un fauteuil roulant. Marcel et Denise deviendront à partir de ce drame les gardiens de Bois-Réaux (on se souvient du potager entretenu par Marcel tandis que Denise aidait à l’entretien de la maison et, l'été, venait aider grand-mère à la préparation des repas).

Beaucoup de personnes sont touchées, par exemple à l’usine de pneumatiques Fougerat, complètement détruite, où membres de la famille et ouvriers sont tués ou blessés, ou parmi ceux qui se trouvait dans l’axe des trois bombardements qui se sont succédés à quelques jours d’intervalle.
Le 17 juillet, mais aussi les 2 et 7 août, c'est un déluge de bombes qui s'abat ici. Les témoignages de familles décimées sont terribles.... et on ne comprend pas.
La rumeur, à un moment, a plus ou moins laissé entendre que l'usine de pneumatiques aurait fourni du matériel d'équipement pour les V1 allemands et attiré ainsi les bombardements alliés. Rumeur démentie autant qu'elle était fausse. C'était la gare, la ligne de chemin de fer et un train de munitions allemand qui étaient visés, et l'objectif des bombardiers alliés était d'empêcher coûte que coûte le ravitaillement en troupes et en armes des allemands après le débarquement en Normandie. Pour les gens de Neuvy, il était indispensable que toute la lumière soit faite sur les causes de ces attaques, et Marie-Noëlle Fougerat a été soutenue dans sa restitution de la vérité et la publication du livre de témoignages qu'elle a co-écrit avec Claude Herbiet (ci-dessous).

Nous aurions pu ignorer cet épisode tragique si la marche difficile, puis le fauteuil roulant de Jocelyne ne nous l'avait rappelé. On ne parlait pas de la guerre. Enfants, nous aimions aller chez Denise, Marcel et Jocelyne. On y regardait la télévision, les premiers "piste aux étoiles" et "bonne nuit les petits". La guerre était déjà si loin.
Se remettre aujourd'hui dans le contexte de ces journées telles que les ont vécues les familles de Neuvy est un devoir de mémoire vis-à-vis de ce joli bourg qui nous a fait cadeau de tant de souvenirs heureux.

 

La presse de l'époque reflète l'ampleur du drame (agrandir les vignettes)

Article de presse 1Article de presse 2Article de presse 4

Extrait du livre co-écrit par Claude Herbiet et Marie-Noëlle Fougerat

Neuvy-sur-Loire - été 44 CouvertureNeuvy-sur-Loire - été 44 extraitNeuvy-sur-Loire - été 44 suite

La suite de ce récit et d'autres témoignages extraits du même ouvrage sont accessibles sous ce lien

Récit écrit par l’Abbé Châtillon Curé de Neuvy et publié sur le site internet de Neuvy-sur-Loire (page d'histoire)

La fin de la guerre approchait. Les Allemands circulaient en désordre en direction du nord-est.  Déjà nous nous réjouissions de l'imminente libération de la Patrie, en nous félicitant d'avoir traversé sans trop de dommages la guerre et la longue épreuve d'une occupation de quatre ans, quand la catastrophe arriva.  Par trois fois, le 17 Juillet, le 2 Août et le 7 Août les bombes déversées sur le village, le détruisant en grosse partie et causant 130 morts…

Le lundi 17 juillet 1944, à 11 heures du matin, des « forteresses volantes » américaines passant dans le ciel de Neuvy, larguèrent soudain leurs bombes (d'une hauteur de 5-6000m). Ce fut notre premier bombardement.  L'événement était tellement inattendu que beaucoup de malheureux furent tués alors que, les yeux au ciel, ils admiraient les avions.  Le déluge dura 3 ou 4 minutes.  Environ 150 bombes d'une tonne en moyenne s'abattirent sur le pays, dessinant au sol une sorte de « T » gigantesque, dont la barre transversale représenterait une ligne partant de l'usine Fougerat et passant par le boulevard de la Mairie, le Pont de chemin de fer et la rue du Port, jusqu'à la Loire.  Quant à la barre verticale, elle représenterait une ligne partant des environs de la gare et rejoignant le boulevard de la Mairie en passant entre la ligne du chemin de fer et la rue principale du bourg.
Vers midi, alors que les survivants, revenus de leur stupeur, commençaient à organiser le sauvetage, des avions de chasse apparurent, qui prirent à partie deux trains allemands stationnant en gare.  Pendant trois-quarts d'heure, ce fut un infernal carrousel, au terme duquel les deux trains mitraillés et incendiés étaient complètement détruits. Du moins ce mitraillage fut-il du travail bien fait, et le pays n'eut pas à en souffrir.  Mais le bombardement proprement dit fit plus de 40 morts et une soixantaine de blessés, sans compter les ruines.
Nous n'étions pas au bout de nos peines.  Déjà la Paroisse s'était mise à panser les plaies. Quelques familles étaient parties, mais la grande majorité des habitants était restée, persuadée que le bombardement était une erreur des aviateurs alliés.
Le 2 août 1944, vers 5 heures de l'après-midi, les oiseaux de malheur revinrent.  Cette fois tout le bourg fut arrosé, d'environ « 300 bombes » aussi grosses que les premières.  Il y en avait partout, jusqu'à la Couarde et Gardefort, dans la Loire et 17 autour de cimetière.  Après le départ des sinistres oiseaux, l'aspect de la pauvre paroisse était épouvantable.  On retira des ruines plus de 80 morts et environ 120 blessés.
Le vendredi 4, nous eûmes le réconfort de recevoir la visite de Monseigneur l'Evêque de  Nevers, venu avec Monsieur le Préfet, bien que Nevers ait été également bombardé le 16 juillet. On n'eut même pas le temps de déblayer tous les morts car les autorités civiles, d'une part, redoutant un troisième bombardement, d'autre part, considérant qu'il n’y avait plus ni commerçants ni jardins, et par conséquent rien à manger, ordonnèrent l'évacuation du pays. Aussitôt, les voitures des paysans des environs, camionnettes et camions chargèrent les meubles et le samedi 5 août.
Neuvy était vidé. C'était un pays mort.
Deux quartiers sont complètement rasés.  Les deux autres ont beaucoup souffert.  Le château, avec sa belle porte du XVe siècle est détruit. Seul témoin des siècles anciens, l'église reste debout avec ses pierres tombales, sa nef modeste mais élégante du XllI eme sa jolie chapelle ST Hubert du XVI eme et ses deux belles cloches du XVIIeme  Ses vitraux n'existent plus... Mais la vieille église tient, symbole de la pérennité de la France et de son indestructible volonté de vivre. ».
Monsieur le Curé resta jusqu'au dimanche 6 avec l'équipe de déblaiement venue de Cosne pour ensevelir et enterrer les morts.  Le dimanche soir, il rejoignit le gros de ses paroissiens réfugiés à Annay.  L'exode à Annay se prolongea jusqu'au début d'octobre.  Puis, les habitants rentrèrent peu à peu.  Entre temps, la Libération s'était accomplie.
Et le lundi 7 Août, à 14 heures, Neuvy subissait son troisième bombardement.  Cette fois, le bourg était à peu près vide.  Il n'y eut que 4 hommes qui déblayaient qui furent tués.  Mais on n'insista plus.  L'équipe de déblaiement fut elle-même retirée, remplacée par quelques gendarmes qui étaient là pour empêcher le pillage.
Le bilan des bombardements se soldait par 130 morts, plus de 70 immeubles détruits complètement et 97% des maisons plus ou moins sinistrées.  Chose remarquable, tous les édifices religieux restaient debout. L’'Eglise n'avait que des trous dans la toiture et tous les vitraux détruits. Le Presbytère n'était sinistré qu'à 30% - La Croix de Pâques était intacte. La statue de St Eloi n'avait aucun mal, bien que sa niche fût creusée dans un mur qui restait seul debout. Et surtout la Vierge du Port, au milieu d'un paysage d'enfer, continuait à sourire et à tendre ses mains bénissantes.  Un ouvrier qui la contemplait disait un jour à ses camarades : « Les curés vont encore dire que c'est un miracle ! » Puis après quelques secondes de réflexion, il ajouta:« Il faut bien avouer que ce n'est pas naturel… »

On saura peut-être plus tard les raisons qui ont motivé trois aussi terribles bombardements sur une aussi modeste commune.
     1° Pour moi, je crois que l'objectif n° 1 était la ligne de chemin de fer.  Je me base sur le fait que dans la traversée de Neuvy, la ligne forme un remblai important, coupé de ponts sur une distance de 400 mètres.
     2° Sur cet autre fait que les bombes employées furent des bombes de gros calibre - amorcées avec un léger retard de façon à exploser à 7 ou 8 mètres de profondeur - et destinées par conséquent à creuser de gros trous.  Cette particularité sauva d'ailleurs ce qui reste du pays, car le terrible souffle destructeur de l'explosion ne s'exerça plus horizontalement, mais verticalement.

3 août 1944 - 8 heures 45 : Transcription d'une communication téléphonique du sous-préfet de Cosne-sur-Loire (Nièvre) demandant de l'aide après le bombardement du village de Neuvy-sur-Loire

communication téléphonique

Source : http://www.resistance-deportation18.fr/IMG/pdf/Le_Cher_sous_les_bombarde... page 10

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