MAURICE ALLIOT
26/03/1889 - 11/08/1990
de l'enfance à la grande guerre
de 1889 à 1914
Pour la naissance de Maurice, le 26 mars 1889, René et Marie ALLIOT sont domiciliés à Saint Denis (Seine), 30 rue de la Briche, chez les parents de Marie, Louis et Sophie VERSTRAET (née Sophie FACON). Mais dès qu'ils le peuvent, ils s'installent à Paris, d'abord 8 rue Renault, adresse parisienne de Louis et Sophie Verstraet, puis, dans leur propre appartement, au n°60 du boulevard Voltaire. En effet, non loin de là, rue Saint Ambroise, René est en train d'installer sa première usine de fils et câbles électriques, aidé et conseillé par son beau-frère et ami Eliacin ROL, le mari de sa sœur Juliette.
Le certificat de baptême délivré par la paroisse de Saint Ambroise à Paris, montre que c'est là que Maurice a été baptisé le 27 avril 1890. Pour l'anecdote, cet extrait d'acte de baptême est daté du 23 juillet 1914: C'est en effet à cette date que Maurice s'est tourné vers sa paroisse d'origine pour obtenir le document nécessaire à la célébration de son mariage avec Suzanne, prévu le 8 octobre suivant... On le sait, ce mariage n'aura lieu que le 21 août 1915, plus de dix moix après, la déclaration de guerre ayant mobilisé tous ceux qui pouvaient l'être dès le mois d'août 1914, et il lui faudra alors adjoindre à ses dossiers l'autorisation de sa hiérarchie militaire pour s'absenter du front. (Voir en bas de page liens vers documents numérisés)
Thérèse, le 22 juillet 1890, puis Henri, le 30 mai 1895 sont nés Boulevard Voltaire, non loin du 22 Bd Richard Lenoir où demeureront Juliette et Eliacin Rol, sœur et beau-frère de René, quelques temps plus tard, quand Eliacin, pharmacien de son état et pour l'heure exerçant à Laon, viendra rejoindre son beau-frère dans l'aventure des câbles et fils électriques.
On sait quelle a été la souffrance de Maurice, âgé de 8 ans, de perdre brusquement son petit frère Henri, qio resrera à tout jamais le "petit Henri" (voir chapitre René Alliot, de 1882 à 1912)
Maurice âgé adorait raconter ses souvenirs d'enfance aux jeunes générations. Et c'était passionnant de l'écouter évoquer à travers ces évocations ravies les premières années du siècle! En 1979, à 90 ans, il a accepté de parler devant le micro que lui tendait sa petite fille Agnès Delavault. Voici par exemple quelques souvenirs de son enfance boulevard Voltaire, où il semblait parfaitement à l'aise, regardant de ses fenêtres tramways tirés par des chevaux, fiacres ou charettes de marchands et il circulant entre les demeures des uns et des autres (extraits) :
LA VERSION AUDIO EST ACCESSIBLE SUR CE SITE
Voir dans la partie "Personnages, lieux et événements" ou actionner la bande audio ci-dessous
Transcription littérale (extraits):
[...] « Oh qu'elle était jolie, cette locomotive, avec sa grande cheminée en fer-blanc, toute dorée, avec une ficelle pour la tirer ! Je me suis bien amusé avec cette belle locomotive que j'avais vue un soir en arrivant pour le dîner dans la salle à manger ! Elle était installée sur le buffet, quelle joie ! Et puis il a fallu passer à autre chose. Après cela, j'ai eu un canon qui tirait des petits pois sur des armées de soldats en carton qui se tenaient bien droit sur la table. Un petit pois faisait des ravages dans les rangées de soldats.
« Pimpon, pimpon, pimpon ! », je me précipite à la fenêtre, ce sont les pompiers qui vont passer, on les entend arriver, on les voit passer avec la pompe à vapeur, il fallait mettre du charbon, et il y avait un pompier qui était accroupi, accroché à l'arrière de la voiture en se tenant d'une main, et avec l'autre main, il enfournait du charbon pour que la pression soit suffisante au moment où on arriverait sur le lieu de l'incendie.
Maurice, qui avait déjà vu passer par la fenêtre des véhicules de pompiers (voir les photos: photo1, photo2), conserve aussi un souvenir mémorable d'une de ses premières sorties seul, boulevard Voltaire. Allant boulevard Richard Lenoir, il assiste à l'arrivée de nombreuses voitures et au déploiement des pompiers sur un incendie qui lui paraît gigantesque :
« Ma première sortie dans la rue, tout seul, je devais avoir huit ans, nous habitions boulevard Voltaire, et je devais me rendre pour une course boulevard Richard Lenoir. Tout d'un coup, on entend : « Pimpon, pimpon, pimpon », des voitures de pompiers tirées par des chevaux et qui arrivaient de plusieurs directions. Il y avait un énorme incendie pas très loin de chez nous. C'était ma première sortie, il y avait tous les gens qui couraient. Que faire ? Il était aux environs d'une heure trente, l'après-midi, et c'était la rentrée des ouvriers dans l'usine de mon père ; mon père se rend en hâte pour les voir, et il les lance tous à la recherche de son petit garçon qui sortait tout seul pour la première fois. On me connaissait bien à l'usine, j'y allais souvent, j'allais voir les machines qui tournaient, c'était fort intéressant. Et puis un membre du personnel dit à mon père : « Ce n'est pas la peine qu'on aille se promener comme ça dans tout le quartier, on va sûrement le trouver chez ses grands-parents, rue Renaud. » Et lui-même se précipite et se rend chez ma grand-mère et me trouve tranquillement installé, non pas devant une tasse de café, mais dans l'attente d'un morceau de sucre, d'un canard. J'étais très content, et on a pu rassurer mes parents que je n'étais pas perdu dans la foule, que j'étais bien tranquillement installé chez grand-père et grand-mère. Il faut penser que les enfants ont souvent des réactions comme celle-là, ils ne s'affolent pas tellement parce qu'il y a des foules qui se transportent avec vigueur, rapidité, avec curiosité dans les rues pour voir ce qui se passe. Voilà, ma première sortie, c'était très simple. Et ça c'est fini très bien. Jusque-là, j'avais bien traversé le boulevard Voltaire, quand on m'envoyait chez le boulanger en face pour revenir avec un paquet de biscuits [...] »
En fait, le n° 60 du Boulevard Voltaire où demeure Maurice, la rue Saint Ambroise au n°25 de laquelle se situe l'usine des débuts, le Boulevard Richard Lenoir (n°22) où résident Juliette et Eliacin ROL, et l'appartement des grands parents Verstraet, au n°8 de la rue Renault, dont certaines fenêtres donnent sur le square Parmentier (devenu square Gardette) où Maurice va jouer, tout cela se situe dans un rayon limité, comme dans un grand village où l'on imagine que Maurice pouvait se sentir parfaitement à l'aise (cliquer ci-dessous pour agrandir le plan).
« Ce n'était pas très loin de la demeure de mes grands-parents rue Renault, et mon grand-père avait son bureau dont la fenêtre donnait sur le square Parmentier, où je suis allé jouer bien souvent lorsque j'étais enfant. On faisait même des explorations, parce que sur tout un côté du square, il y avait de grands arbres et une petite allée qui séparait la rangée des grands arbres de la grille du parc. Mais pour nous, c'était vraiment une région inconnue et on allait faire des découvertes dans ces coins-là. [....] Quand on a six ou sept ans, on trouve facilement des pays inconnus... »
Cliquer pour agrandir sur une nouvelle fenêtre, revenir au texte par retour (flèche gauche) page précédente
"[...] J'ai parlé de la rue Renault où habitaient mes grands-parents, et notamment mon grand-père Louis Verstraet, qui avait son bureau avec une fenêtre et une cheminée, et sur la cheminée, il y avait toujours des quantités de fossiles, de minerais auxquels il s'intéressait. C'était d'ailleurs un homme instruit et très entreprenant, il a passé la fin de sa vie à faire de grands voyages en France pour que l'on puisse créer un canal des deux mers qui aurait relié l'océan Atlantique et la mer Méditerranée. Il s'est donné pour cela énormément de mal, il s'est ruiné et il y a dépensé toute la fortune qu'il avait gagnée dans l'industrie du caoutchouc, mais le canal des deux mers ne s'est jamais fait. C'est peut-être une chose heureuse, car les moyens de transport se sont développés avec rapidité et on a eu beaucoup plus de trains, de lignes de chemin de fer. On a vu apparaître les autocars, le tonnage des bateaux marchands a augmenté considérablement, et si on avait fait le canal des deux mers, il aurait été hors d'usage extrêmement vite. C'est donc une idée qui n'a pas eu de suite, probablement cela a-t-il été heureux pour mon grand-père. Il était d'un esprit très curieux, et il était très en rapport avec la famille Menier, les fabricants de chocolat. Un jour, Émile Menier lui dit : « Mais Verstraet, je vais vous envoyer en Allemagne, je vous paierai le séjour, je voudrais que vous étudiiez une matière que l'on appelle le caoutchouc. Il paraît que dans le sud de l'Amérique, des indigènes font des balles avec le latex qui vient de l'hévéa, ils jouent à la balle, les balles rebondissent, et il est vraisemblable que nous pourrons tirer un bon parti de cette nouvelle matière première, les Allemands ont d'ailleurs déjà commencé. » Effectivement, mon grand-père a dirigé une usine de caoutchouc, et on a fait là des tuyaux, des bandes, des bandes de roulements, toutes sortes d'objets, mais on n'a pas fait de pneumatiques parce qu'on n'avait pas lieu de se préoccuper de cela, l'automobile n'était pas née".
Un document de notre Histoire de famille est consacré à Louis Verstraet et à son parcours industriel très riche dont cette passion dévorante pour le projet de Canal des Deux Mers.
Dans ce Paris de fin de siècle, sur les boulevards, imaginons René, Marie et Juliette, sa sœur, un soir d'été, dans une élégance très « belle époque »...
"On se promène sur les grands boulevards le soir après-dîner, et mon père a conduit sa sœur et son épouse dans un café et leur a commandé un thé à l'américaine. On leur a servi un thé excellent et au bout d'un moment, il a fallu s'en aller. Les trois, mon père, son épouse, et sa sœur sont sortis du café et ont pris le trottoir pour aller chercher l'autobus, pardon l'omnibus, il n'y avait pas d'autobus à l'époque. Mon père, tout d'un coup, se dit : « Mais elle va de travers, ma sœur ! » Vite, il va lui offrir son bras. Il regarde sa femme, il se dit : « Mais c'est la même chose ! » Il lui offre son autre bras. Il se dit qu'il ne peut pas rentrer comme ça boulevard Voltaire. « Hep ! », fait-il au cocher d'un fiacre qui passait. Il a mis les deux dans un fiacre avec lui-même, et en route, ils sont rentrés boulevard Voltaire. Méfiez-vous du thé à l'américaine !"
On imagine bien aussi l'activité des omnibus, des fiacres et des véhicules de livraison tractés par des bons percherons. Mais Maurice se souvient aussi d'un aspect pour nous plus insolite de la vie du quartier. Par exemple l'avenue Parmentier qu'il empruntait pour aller chez ses grands parents, était alors recouverte de pavés en bois sur lesquels circulaient les chevaux, laissant du crottin que les poules venaient picorer. Les jours de pluie, de tels pavés étaient glissants, et il n'était pas rare que les passants se mettent à plusieurs pour remettre debout un attelage....
"Nous habitions déjà boulevard Voltaire, il s'est passé un événement considérable quand nous étions là. Un jour, nous avons lu dans les journaux que le dimanche, vers 15 heures, on verrait passer une automobile qui irait de la place de la République à la place de la Nation. Toutes les fenêtres étaient garnies de spectateurs, on avait invité les amis, les parents pour voir passer une automobile, quel phénomène, je rappelle que c'était en 1899. Les choses ont bien changé depuis. Il y avait des tramways tirés par des chevaux qui passaient boulevard Voltaire, et une fois, une grosse voiture de foins était tombée sur la voie des tramways. On se demandait comment continuer à assurer le transport des passagers, mais cela n'a pas été bien difficile : on a mis une cale en bois sous la première roue du tramway, les chevaux ont tiré un bon coup, et le tramway est reparti se promener sur les pavés. Ce n'était pas très dur. On est reparti tranquillement, et le contrôleur qui ramassait le prix des places faisait « Ding ! Ding ! Ding ! » du haut de son tramway pour dire que tout était en ordre au cocher qui conduisait les chevaux. Voilà bien des souvenirs d'autrefois ! Il n'y avait pas d'encombrement dans les rues, il y avait bien quelques fiacres, des petites victorias très simples ; il y avait parfois un peu d'encombrement, bien sûr, et je me rappelle une fois où j'étais dans un tel fiacre avec ma mère, et voilà la tête d'un cheval qui arrive sur nos genoux ! Ma mère en a été terrifiée. Mais tout est rentré dans l'ordre, et chacun est arrivé où il devait arriver."
Pour se rendre à l'école, il faut aller un peu plus loin, descendre le bouvard Richard Lenoir jusqu'à la place de la Bastille, puis prendre à droite la rue Saint Antoine, jusqu'au n°21 où se situe l'école des Francs Bourgeois : Fondée en 1843 par les Frères des Ecoles Chrétiennes dans la rue dont elle porte le nom, elle s'est ensuite installée 21 rue Saint Antoine. C'est là que sont prises les photographies de classe de Maurice: Sur la première, Maurice, âgé de 7 ans, est le 1er à droite de la rangée des enfants debout, sur la deuxième photo, en 1898, il est le 3ème à partir de le droite (1ère rangée desenfants debout). Sur la troisième, il est au centre, 2ème rangée, juste sous les bras croisés du prêtre. On est en 1900, et c'est jour de profession de foi.
Cliquer pour voir: Photo de classe 1 - photo de classe 2 - photo de classe 3
1900 : C'est aussi pour la société R. ALLIOT & ROL, et pour la famille ALLIOT, l'installation au 38 de la rue de Reuilly, les locaux de la rue Saint Ambroise étant devenus trop exigus. Maurice raconte (transcription de l'enregistrement de 1979, extrait)
"Mon père, ingénieur de l'Ecole Centrale, arts et manufactures, avait une usine rue Saint Ambroise où l'on fabriquait des fils isolés pour l'électricité, et un peu plus tard des câbles pour les transports électriques. Je m'intéressais toujours beaucoup à tout le matériel employé, cela m'amusait, de même que j'étais toujours planté, à un moment donné, devant le moteur à gaz qui faisait tourner cette petite usine. Enfin, on pouvait peut-être espérer que moi aussi je deviendrais un ingénieur, et que j'aurais des machines. Le métier m'est bien rentré dans la peau à ce moment-là, je me rappelle qu'une fois, mon père avait commandé une très jolie petite câbleuse, qui n'était pas encore installée lorsque je l'ai vue pour la première fois, mais on pouvait déjà la faire tourner un petit peu en appuyant vigoureusement avec le bras sur une des arêtes transversales de cette petite câbleuse. Je n'ai pas manqué, évidemment, par curiosité, de la faire tourner, mais comme je n'étais pas très grand, il fallait bien que je me penche sur la machine. J'ai appuyé avec les deux bras, et bing ! On m'a retrouvé par terre, sans connaissance. J'avais penché la tête, et un des tirants de la câbleuse était venu me frapper vigoureusement sur le front. C'est comme cela que le métier rentre dans la peau. Mon père s'était associé avec son beau-frère Rol, parce que ses affaires s'étaient développées et il n'était plus capable de les mener seul. Mon oncle Rol, qui était pharmacien à Laon, a donc quitté ce métier et est venu à Paris pour aider mon père. Un beau jour, il est allé pour je ne sais quelle raison du côté de la place Daumesnil, et il est revenu en descendant la rue de Reuilly. Il a vu en passant vers le numéro 40 une grande affiche qui exposait que les bâtiments et l'usine qui étaient en face, au 38 de la rue de Reuilly, allaient être vendus par adjudication le lendemain. Quand il est rentré auprès de mon père, il lui en a fait part, ils se sont regardés, ils étaient à l'étroit rue Saint Ambroise, et mon père a décidé d'essayer de prendre part à l'adjudication. C'est ce qui a eu lieu, et il a acheté tous les bâtiments, le terrain, l'usine du 38 de la rue de Reuilly où j'ai passé de bien nombreuses années. Cela a été, de la part de mon père, une décision prise en grande hâte, et il n'a pas eu de difficultés considérables pour payer l'ensemble qui était énormément plus important que ce qui existait rue Saint Ambroise. On trouve ainsi des choses inattendues, et j'ai passé pas mal d'années de ma jeunesse dans le pavillon d'habitation qui ne donnait pas sur la rue de Reuilly, mais des fenêtres de ma chambre on voyait sur le côté et par-dessus les grilles de l'usine la rue de Reuilly et les voitures qui passaient. De temps en temps, on entendait une grande fanfare militaire qui arrivait d'assez loin, je me précipitais naturellement à la fenêtre de ma chambre, quand on a neuf ou dix ans, on est extrêmement intéressé par ce genre de choses, et on voyait les militaires de la caserne de Reuilly qui s'en allaient faire une marche dans le bois de Vincennes, fanfare en avant, et pour terminer la colonne, une voiture tirée par un cheval : c'était la voiture de la cantinière. Elle acceptait dans sa voiture les malheureux qui, pour une raison ou pour une autre, ne pouvaient pas suivre la marche, et surtout elle vendait des boissons désaltérantes quand on arrivait à la fin de l'étape. Que de fois j'ai vu passer les militaires rue de Reuilly !
En face de la grille de l'usine de mon père, il y avait un grand bâtiment d'école. C'était l'école Boulle, c'est là où l'on instruisait toutes sortes de jeunes gens venus de différentes écoles de France. C'était une école où on apprenait à fabriquer des meubles, de l'ébénisterie de très bonne qualité. Les jeunes gens qui sortaient de l'école Boulle étaient ensuite rapidement chefs de fabrication ou entrepreneurs dans des fabriques de meubles. Que dirais-je encore ? Qu'il y avait des quantités d'artisans dans la cour Saint Éloi où se trouvait l'école en question, également dans la rue de Reuilly, et presque tous s'occupaient d'ébénisterie, comme d'ailleurs dans le faubourg Saint-Antoine, qui était à l'origine de ces industries. Un peu plus haut dans la rue de Reuilly, il y avait un autre artisan très intéressant, c'était un sculpteur sur ivoire, et j'ai vu chez lui fabriquer des quantités de Christ, de statues de la Vierge, et il avait beaucoup de talent. Quand on cherchait dans toutes ces maisons du faubourg Saint-Antoine, on trouvait des gens fort habiles et qui faisaient de très jolies choses. C'est seulement beaucoup plus tard qu'est apparue l'industrie parisienne, beaucoup plus tard que les gens auxquels je fais allusion et qui travaillaient déjà au moment de la Révolution française dans le faubourg Saint-Antoine. Beaucoup plus tard est arrivée l'ère industrielle, de petites usines se sont installées dans le 11e arrondissement et dans le 18e arrondissement à Paris. C'est ainsi que mon père s'est installé rue Saint Ambroise"...
********
Images de l'usine de Reuilly à cette époque: L'entrée de l'usine, vue de la cour, et dans cette cour, Maurice, vers 1900, avec Marquis, une photo de Thérèse en communiante et de Maurice, prise peut-être en 1901 ou 1902 (?), Maurice encore, deux ou trois ans plus tard, sur le même cheval (Maurice a alors environ 13 ans), une vue de la cour intérieure de l'usine, et la fameuse carte postale des personnels de l'usine:
La photo est prise "vers 1904" indiquera Maurice, très âgé, qui a apporté sur cet exemplaire et à son verso des commentaires (voir ci-dessous)
René Alliot est debout, tout à fait à gauche. Maurice signale aussi la présence de Jean Girault (1er assis au sol à gauche, dont il parle ensuite au dos de la carte, puis Monsieur Ettienne, directeurs des personnels qui a joué un rôle important dans l'usine, tant professionnellement qu'humainement (voir les pages consacrées à René Alliot), à son côté le Caissier, et à droite, assis au sol, un dénommé Godier. Au verso, Maurice précise: "Mes parents, ma soeur et moi sommes arrivés 38 rue de Reuilly en fin septembre 1899 (dans "le village de Reuilly") selon Suzanne Cogne, née Girault, qui y arriva bébé en maillot et y habita jusqu'après son mariage... Son père Jean Girault, sa mère Félicie, sa tante Francine qui était chez mes parents à la naissance de ma sœur Thérèse... Le cocher de l'époque était le "Gros Jean" qui fut combattant en 1870 et subit le siège de Metz. Il fut remplacé par Briol - un petit cheval ami, à moitié savant, Marquis (venait ouvrir son écurie et déguster un bout de sucre), quelquefois on le sellait et je montais sur son dos -- un autre, gris pommelé, "Furibond". Desservi par la ligne de métro ligne 1 à la fin de 1899 (pour l'exposition universelle de 1900)."
Maurice évoque, sur cette carte, Jean Girault (que l'on voit sur la photo), sa femme Félicie, et leur fille Suzanne, née à Reuilly (future Suzanne Cogne) : Il faut savoir que Félicie, gouvernante à Reuilly, avait été l'employée, la « bonne » disait-on, de la famille Verstraet avant le mariage de Marie, tandis que de son côté, Jean Girault travaillait chez les Alliot! Conduisant le fiacre qui menait le fiancé chez la fiancée, Jean fut amené à déjeuner à la cuisine en compagnie de la jeune Félicie dont il tomba amoureux. En fait, il y eu donc deux mariages, et deux couples, René et Marie d'une part, Jean et Félicie d'autre part, qui, de Saint-Denis se retrouvèrent à Paris.... Suzanne, la fille de Jean et de Félicie, était bébé lorsque tout le monde s'installa à Reuilly. Comme gardiens, ses parents habitaient sur place. C'était comme une grande famille, disait Suzanne, des années après. C'était aussi bien Marie Verstraet que Félicie qui la mettait sur le pot !
Déjà autour de l'année 1900, la famille ALLIOT quitte Paris l'été pour des lieux de villégiature divers : on trouve ainsi dans un album qui a pu être tenu par Marie des photos palies de Quiberon, de Pornichet surtout, en 1900:
mais aussi d'autres séjours ou périples en Bretagne, en 1901 (Ile au Moines, Pont-Aven, Locmariaquer...), puis 1902 (Roscoff, les régates...)
*****
A la rentrée 1902, Maurice entre au lycée Charlemagne. Il y restera jusqu'en juillet 1909 soit, de la cinquième aux classes préparatoires (Mathématiques spéciales I puis année préparatoire à l'entrée à l'Ecole Centrale). Sur la photo jointe il est assis au 3ème rang, 3ème à partir de la gauche. On est en 1907 ou 1908.
Au terme de sa scolarité, en juillet 1909, il reçoit le prix BROCA (voir le document en lien en bas de page), attribué en fin d'études à l'élève qui, au cours de son enseignement secondaire, s'est le plus distingué par sa conduite et ses succès. Maurice, en effet, est un élève très brillant qui systématiquement fait partie des quelques élèves qui reçoivent les félicitations des membres du Conseil de discipline pour l'ensemble des notes obtenues pendant l'année. A chaque fin d'année, il cumule prix et accessits dans les matières scientifiques, mathématiques, sciences physiques et chimiques, sciences naturelles, géométrie, dessin graphique ou dessin d'illustration, mais aussi en langues (surtout en allemand, sa première langue), histoire et géographie, ou encore (une fois!) en composition française (voir quelques exemples en bas de page)!
Maurice nous a laissé de ses dernières années au lycée Charlemagne des dessins et des caricatures particulièrement expressives, fruits de son travail en cours de dessin d'illustration: Par exemple celui-ci, représentant un couple de "Germains en excursions":
Quelques photographies prises entre le 7 et le 10 avril 1909, évoquent un séjour en Belgique, notamment à Gand, Bruges, ou Bruxelles, avec Philibert MOREAU, l'ami d'enfance de Maurice, qui le restera jusqu'à sa mort en avril 1974: Ils ont 20 ans, et Maurice vient de terminer sa dernière année de cours préparatoire à l'entrée à l'Ecole Centrale.
En choisissant cette voie, il suit les traces de son père, issu de la promotion 1881 (année de sortie). René est photographié en 1881 avec sa promotion (on le reconnaît, bras croisés, premier debout à gauche), et Maurice avec la sienne en 1912. (on reconnaît Maurice au 2e rang à partir du bas, 4e à partir de la droite) Entre temps, l'Ecole Centrale a changé d'adresse, passant de l'hôtel de Juigne dans la quartier du Marais où elle a été fondée entre 1829 et 1830 et les bâtiments beaucoup plus vastes de rue Montgolfier (3ème arrondissement) où elle accueille les élèves depuis 1882.
Les notes ci-dessous sont extraites d'une part du livre Ecole Centrale des arts et Manufactures - Promotion 1881 - Noces d'Argent édité en 1831 par ladite promotion pour ses 50 ans (c'est la promotion de René, et il en est le délégué élu par ses pairs), et d'autre part d'un fascicule édité par les élèves de la promotion 1912 qui était celle de Maurice.
« La Fondation de l'Ecole Centrale remonte aux années 1828 et 1829. Elle répondait à une véritable nécessité. Pendant la période de paix qui succéda aux guerres napoléoniennes, l'industrie prit de toutes parts, et notamment en Angleterre, un prodigieux essor ; la lutte entre les nations s'engagea sur le terrain de la production. Or la plupart des entreprises industrielles de notre pays étaient alors dirigées en apparence par d'anciens militaires, des banquiers, des hommes d'affaires et gouvernées en réalité par quelques contremaîtres intelligents mais sans instruction. Et l'on entendait répéter partout qu'il fallait se défier des théoriciens, que la pratique seule méritait confiance. Aussi les cas d'insuccès, de ruine, devenaient de plus en plus nombreux ; les capitaux n'osaient plus s'aventurer dans beaucoup d'exploitations industrielles. Les chefs capables de diriger l'industrie faisaient défaut ; l'enseignement scientifique qui aurait pu les former n'existait alors nulle part. La convention Nationale avait bien eu l'intention d'organiser, en fondant 35 ans auparavant, en 1794, l'Ecole Centrale des Travaux Publics. A l'origine cette école devait recevoir un grand nombre d'élèves, dont une partie seulement était destinée aux services publics et leur donner en trois années un enseignement scientifique et appliqué. Mais ce programme primitif n'avait pas tardé à être modifié. Sous son nouveau nom d'Ecole Polytechnique, devenu depuis si célèbre, l'Ecole Centrale des Travaux Publics ne reçut bientôt que des futurs fonctionnaires de l'Etat, civils ou militaires. Les études, réduites à une durée de deux ans, changèrent de caractère ; on y supprima les cours d'application en les réservant aux Ecoles Spéciales ouvertes seulement aux anciens Polytechniciens. Ainsi, en 1828, ceux qui se destinaient aux carrières industrielles ne trouvaient pour les instruire aucune école industrielle [.....] » (1931, extrait du livre des 50 ans de la promotion 1881.)
« [...] A peine était-elle organisée que la révolution de 1830 et l'épidémie de choléra de 1832 amenèrent de graves perturbations dans son fonctionnement.» (L'abnégation et la confiance réciproque de ses 4 pères fondateurs lui permirent cependant de prospérer : « Les services rendus à l'industrie par les premiers élèves sortis de l'Ecole furent pour les fondateurs un précieux encouragement : ils purent augmenter la puissance de l'enseignement, le mettre constamment à la hauteur des besoins de l'industrie qui prenait un développement que rien ne devait plus arrêter. [....] L'année 1870 fit ressortir d'une manière éclatante le dévouement patriotique des Centraux, tant comme ingénieurs que comme officiers du Génie ou de l'Artillerie. Après cette période si éprouvée, ce fut un redoublement d'efforts et l'extension fut telle que l'on dut, en 1882, transporter l'Ecole de l'Hôtel de Juigne, son berceau originel devenu trop petit, dans le bel immeuble qu'elle occupe aujourd'hui. » (1912, L'Ecole Centrale des Arts et Manufactures).
Ce second document présente, après ce bref historique, les différentes salles où se déroulent les enseignements pratiques de l'Ecole, par exemple, cet atelier où l'on reconnaît Maurice qui arbore les belles moustaches qui ne le quitteront plus!
Ecole Centrale en 1912:
Maurice suit avec succès sa scolarité à l'Ecole Centrale et en sort en juillet 1912, jeune ingénieur des Arts et Manufactures. Ci-dessus, la classe de Maurice. Les croix désignent ceux qui sont morts, peu après, à la guerre.
Parmi les mots de félicitations adressés aux jeune diplômé, celui de son futur beau père, Lucien LIMASSET.... Maurice et Suzanne ont déjà bien des liens...
Ceci termine notre rubrique intitulée "Les ancêtres du côté de Maurice", car la suite, à partir de la grande guerre, fait partie de leur histoire commune, sous le titre Maurice et Suzanne:
Parallèlement, divers chapitres vous invitent à connaître d'où vient Suzanne, dans la rubrique "les ancêtres du côté de Suzanne":
NB: On peut aussi retrouver nos héros et leurs proches dans les rubriques spéciales rangées dans "Personnages, lieux et événements", par exemple à Neuvy (page en cours d'élaboration), ou pendant les moments plus difficiles des deux grandes guerres.
Documents annexes sur ce chapitre:
extrait de naissance | Certificat de Baptême | Maths Spé. 1 er Prix Maths et 2e de géométrie |
1er Prix Phys. Chime et 2e accessit de dessin graphique | 2e Prix Anglais, etc... | Prix BROCA |